lundi 13 janvier 2014

L'autonomie révèle le prix réel de l'enseignement supérieur

 LE MONDE | 13.01.2014 - Par Isabelle Rey-Lefebvre

Le dialogue est, d'année en année, de plus en plus tendu entre les présidents d'université et leur ministère de tutelle à propos des moyens financiers alloués par l'Etat. 

Dès septembre 2013, Anne Fraisse, qui dirige l'université de Montpellier-III Paul-Valéry, menaçait de fermer, à la rentrée 2014, son antenne de Béziers. Mi-décembre 2013, c'était au tour du président de l'université de Versailles Saint-Quentin, Jean-Luc Vayssière, d'évoquer la fermeture de son site après les examens du premier semestre.

D'autres établissements comme Paris-I Panthéon-Sorbonne ou Paris-XIII Nord ont préféré la discrétion sur ces sujets. Car les facs en déficit sont nombreuses : dix-neuf, sur soixante-seize, prévoyaient de passer en négatif dès 2013 et quatre le sont depuis deux ans (Montpellier-III, Marne-la-Vallée, Le Mans et Mulhouse).

Ces déséquilibres se sont révélés lorsque les universités ont gagné leur autonomie financière, grâce à la loi Pécresse d'août 2007, progressivement mise en oeuvre à partir de 2009. Les universités gèrent désormais l'ensemble de leur budget, masse salariale comprise, dans une autonomie néanmoins toute relative et sous l'oeil d'une tutelle omnipotente.

Elles ne peuvent ainsi ni emprunter ni placer leur trésorerie, mais doivent se plier aux règles strictes de la comptabilité publique… tout en faisant certifier leurs comptes par des commissaires qui ont généralement les normes du privé à l'esprit. Une sorte de double peine. 
Il leur est impossible, puisqu'elles relèvent de la fonction publique, de licencier, muter ou promouvoir leurs enseignants-chercheurs ou leurs personnels administratifs. Seule latitude : les universités peuvent distribuer quelques primes, embaucher des vacataires dans des conditions très précaires et, lorsqu'un poste est vacant, en modifier le profil.

MULTIPLICATION DES CURSUS ET DIPLÔMES

Les négociations budgétaires en cours révèlent en fait la vérité des coûts de l'enseignement supérieur public. Un coût que l'Etat et les universités découvrent. Ainsi, l'évolution des salaires des fonctionnaires, liée essentiellement à l'ancienneté, est, depuis quelques années, plus forte que l'inflation et que les dotations budgétaires censées la couvrir.

Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, l'Etat a, en outre, fortement augmenté le nombre d'étudiants boursiers, en créant l'échelon dit « à taux zéro », qui exonère de droits d'inscription environ 135 000 jeunes. Le manque à gagner est important pour les universités : Montpellier dit accuser 1,6 million d'euros de perte et ne recevoir de l'Etat que le dixième de cette somme.

Autre chapitre douloureux : l'entretien des bâtiments, désormais à la charge des universités bien que l'Etat en reste propriétaire, et un propriétaire peu scrupuleux, qui les a laissées se dégrader depuis des années. 

L'Etat n'a pas non plus transféré aux universités les fonctionnaires autrefois chargés de la gestion du personnel, et elles ont donc dû embaucher.

Les universités ont parfois aggravé leur cas en multipliant cursus et diplômes, en embauchant à tour de bras des vacataires, qui représentent 30 % des personnels, et en recourant aux heures complémentaires. 

Mais certains présidents, comme Jean-Luc Vayssière, préviennent : « Sans les moyens de faire réussir mes étudiants, je serai obligé de réduire mes capacités d'accueil en première année », autrement dit de les sélectionner.