lundi 26 novembre 2012

Réforme des universités : vers la conclusion des assises

LE MONDE |

Plus de 100 auditions, 1 200 contributions écrites, 20 000 participants à plus de 500 réunions et débats en région... C'est peu dire que les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ont mobilisé. Lancés en juillet, les débats se concluront mardi au Collège de France, où sont attendus quelque 500 participants.
Le comité de pilotage devrait faire des propositions sur les trois thèmes fixés par Geneviève Fioraso, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche : la réussite de tous les étudiants, une ambition pour la recherche et la révision de la gouvernance des universités. Un projet de loi devrait être déposé fin mars 2013, et voté avant fin juin 2013. Parmi ces propositions, certaines devraient être plus ou moins bien accueillies.
  • Réduire l'échec en première année
Faire réussir tous les étudiants en premier cycle est la priorité du gouvernement. Le plan "Réussir en licence", lancé en 2007 avec 730 millions d'euros de crédits qui devaient diviser par deux l'échec des premières années, a été un fiasco: en première année, un étudiant sur deux échoue et seulement 38 % de ceux entrés en première année en 2008 ont bouclé leur cursus en trois ans. Ce sont les bacs généraux qui réussissent le mieux (44 %). Seuls 10 % des titulaires d'un bac technologique décrochent leur licence en trois ans. Aucun bac professionnel n'y parvient, selon le ministère.

Le comité de pilotage propose ainsi, pour réduire ce taux d'échec, de décloisonner les enseignements afin de laisser aux étudiants le temps de la réflexion. "Il faut être dans une spécialisation progressive et non pas dans une formation très spécialisée dès la première année", avait déclaré François Hollande, lors de son discours sur l'enseignement supérieur le 5mars à Nancy. C'est aussi le message qu'a adressé, lundi 26novembre, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, lors de l'ouverture des assises nationales.
La pluridisciplinarité est une vieille revendication des syndicats étudiants. La conférence des présidents d'université (CPU) est aussi sur la même ligne.

Plusieurs universités ont, vont ou réfléchissent à mettre en place ce type de cursus. Paris-10 (Nanterre) a lancé il y a quelques années une licence "Humanités", Rennes-2 travaille sur une licence baptisée "culture antique et modernité européenne" qui mêlera lettres classiques, langues anciennes, histoire et lettres modernes.

Des licences pluridisciplinaires (chimie-biologie, maths-informatique ou maths-physique) démarreront en septembre2014 à l'université Pierre-et-Marie-Curie à Paris. "Nos étudiants disent qu'ils veulent avoir du temps pour se spécialiser", confirme Fabrice Chemla, vice-président de la formation initiale et continue.
Mais la pluridisciplinarité ne devrait pas faire l'unanimité. Le collectif Sauvons l'université, s'il n'est pas contre le principe, critique sa mise en œuvre. "On sera plutôt dans la dilution de disciplines", critique son porte-parole Etienne Boisserie, qui craint un enseignement au rabais. Au-delà, c'est toute la recherche en France qui risque d'en pâtir. "Si les enseignements sont dilués, les étudiants seront beaucoup moins armés pour faire de la recherche en master." Christine Noille, la présidente de Sauvons l'université, rappelle qu'"en classes prépa les élèves ont six heures par semaine de chaque discipline, à l'université, une heure trente ou deux heures par semaine dans le meilleur des cas!"
  • Plus de places en BTS et en DUT
Trop de bacheliers titulaires d'un bac pro ou d'un bac techno ne trouvent pas de place dans ces filières qui leur sont pourtant destinées et échouent inévitablement à l'université. Le Plan licence de 2007 prévoit un accès de droit aux IUT des bacheliers technologiques avec mention. Dans les faits, ce sont les bacs généraux qui trustent les places : 68 % des étudiants en IUT, 30 % pour les bacs techno et 2 % pour les bacs pro.
Pendant sa campagne, François Hollande avait indiqué vouloir leur réserver des places sans pour autant parler de quota, ce qui revient pourtant au même. "Si l'incitation à accueillir en priorité les bacs pro en STS [préparant au BTS] et les bacs techno en IUT ne suffit pas, nous passerons par la loi", devait indiquer, lundi, Jean-Marc Ayrault.

Le comité de pilotage veut aller dans ce sens en appliquant une sorte de discrimination positive. "Jusqu'à présent, ce sont des commissions dans les IUT qui choisissent leurs étudiants. Nous proposons que ce soit le recteur [et donc l'Etat] qui affectera les étudiants", indique un de ses membres.

L'idée d'imposer des quotas déplaît fortement aux directeurs des 115 IUT. Celle d'un fléchage, une orientation imposée des étudiants, pourrait les faire bondir. "Nous sommes opposés aux quotas, avertit d'emblée Jean-François Mazoin, président de l'association des directeurs d'IUT, mais favorables à prendre des engagements par contrat avec l'Etat et les recteurs. Notre objectif est d'arriver à un équilibre, 50 % de bacs généraux et 50 % de bacs techno." Le manque de bacs techno en IUT s'expliquerait aussi, selon Jean-François Mazoin, par un déficit de candidats. "Il faut faire passer le message dans les lycées afin qu'ils mettent notre filière en premier choix sur Admission post-bac. A la rentrée 2012, seuls 38 % des bacheliers techno avaient inscrit un IUT en premier vœu sur ce logiciel."
  • L'évaluation des enseignants
C'est là encore une revendication des étudiants, mais elle devrait faire hurler les enseignants. Si elle se fait ici ou là dans les universités au bon vouloir des professeurs, elle reste très marginale. "Il faut installer une culture de l'évaluation des enseignants", indique un membre du comité de pilotage. Un cadre méthodologique national pourrait être créé si cette proposition est retenue.
  • Moins de pouvoirs pour les présidents d'université
La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) sur l'autonomie a été très critiquée pour avoir donné trop de pouvoirs aux présidents. Dès sa nomination, Geneviève Fioraso avait dit "vouloir en finir avec l'hyperprésidentialisation".

Sur ce point, Jean-Marc Ayrault souhaite que la communauté universitaire "tire les leçons de la LRU". "J'attends des propositions en matière de gouvernancequi permettront un rééquilibrage des pouvoirs", a-t-il indiqué. Le comité de pilotage veut supprimer le droit de veto du président sur les recrutements et lui retirer ses pouvoirs sur l'avancement et les primes des personnels. Il veut aussi introduire une procédure de destitution du président et de ses vice-présidents.
  • Vers la création d'une nouvelle structure d'évaluation
Plutôt que de réformer l'Aéres, l'agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, critiquée de toute part, le comité de pilotage opte pour la création d'une nouvelle entité. "Si l'Aéres a fait progresser la France sur deux points: l'évaluation de tous les laboratoires et des formations, elle est devenue beaucoup trop bureaucratique et c'est une agence de notation qui ne donne pas d'indications pour s'améliorer", explique le comité de pilotage.