samedi 15 décembre 2012

Evaluation de la recherche: aller vers une "complexité simple"

Le Monde.fr |
La question de l'évaluation fut l'un des principaux enjeux des Assises de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche des 4 et 5 décembre 2012, comme elle fut au centre de nombreuses contributions préparatoires à ces assises. 

Parmi ces contributions, le rapport du 25 septembre 2012 de l'Académie des Sciences qui partant de l'analyse que « la recherche française souffre, qu'elle souffre de trop de complexité... », présente « cinq recommandations éventuelles » dont la seconde « supprimer l'Agence d'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche (AERES) ».

PRÉCONISATION RADICALE

Cette préconisation est radicale, sans nuance, sans appel et, au demeurant, peu argumentée ; ce qui peut surprendre de la part de scientifiques : « L'AERES fait la quasi-unanimité contre elle ;  elle est inappropriée et peu réformable », sa suppression doit conduire à « la mise en place de structures d'évaluation dépendant directement des universités et des organismes de recherche... ». Quelle simplification étonnante et quel retour aux pratiques anciennes d'évaluation fort critiquables.

L'évaluation d'un  système complexe est elle-même nécessairement complexe. Pour être crédible, l'évaluation doit être effectuée par des experts dont on peut garantir que le travail sera le plus impartial possible.

Le statut d'autorité nationale et indépendante de l'AERES permet d'apporter la garantie que l'évaluation ne sera pas ternie, ici, par un arrangement local, là, par une dose de chauvinisme institutionnel. L'indépendance de l'AERES offre aussi la garantie que le résultat de l'évaluation sera apporté à ceux qui ont des décisions à prendre, sans que le processus de décision ne pèse sur la conduite de l'évaluation.

Cette double garantie conditionne la reconnaissance de l'AERES au niveau européen. Une telle reconnaissance est indispensable pour la crédibilité et l'attractivité de ce qui se fait en France en matière de recherche et d'enseignement supérieur, c'est-à-dire pour la compétitivité-qualité de nos territoires et de nos entreprises.

INTÉGRATION DE L'ÉVALUATION

La recherche publique, source de connaissances nouvelles, est essentielle pour l'avenir de la société française, au sein de l'Europe. Elle prend toute sa portée si elle s'articule au mieux avec les formations relevant de l'enseignement supérieur.

Or, l'AERES, chargée aussi de l'évaluation des formations et des établissements qui  les dispensent, a justement la possibilité d'évaluer la qualité du lien qui s'établit entre recherche et formation, notamment au niveau des écoles doctorales. L'intégration de l'évaluation de la recherche, des formations et des établissements dans une approche globale est un atout qu'il faut préserver. Cet atout précieux est au cœur du projet d'articulation entre l'espace européen de l'enseignement supérieur et l'espace européen de la recherche.

Née du projet européen visant la construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur et des attentes exprimées lors des Etats Généraux de la recherche en 2004, l'AERES a résulté, il faut le souligner, d'un effort important de simplification, puisqu'elle a permis de rassembler les compétences d'évaluation du Comité national d'évaluation, du Comité national d'évaluation de la recherche, de la Mission scientifique technique et pédagogique et, en partie, des instances d'évaluation des quelques grands organismes de recherche.

Dans un paysage français de l'enseignement supérieur et de la recherche public effectivement éparpillé et foisonnant, l'AERES est, depuis cinq ans, grâce à sa méthode homogène d'évaluation, un incontestable facteur de décloisonnement, d'unité, de régulation et d'égalité de traitement entre les différentes entités évaluées.

L'AERES, lors des Assises Nationales 2012 de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche publique, a formulé des propositions d'évolution de ses structures et de ses fonctions, visant, à renforcer la confiance des chercheurs dans l'évaluation notamment, grâce à la présence au sein du Conseil de l'AERES de membres élus de la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche, grâce à une clarification des objectifs et du rôle de l'AERES, grâce aussi à des mesures de simplification et de transparence accrue du processus d'évaluation et grâce enfin à une articulation avec les instances nationales d'évaluation des personnels, telles que le Comité National de la recherche scientifique ou le Conseil National des Universités.

EAU DU BAIN

Des assises nationales devrait naître une nouvelle ambition pour la recherche française et une nouvelle organisation de notre système de recherche et d'enseignement supérieur.

Puissent les traducteurs des actes des Assises en actes législatifs examiner objectivement ces propositions d'évolution plutôt que de jeter le bébé avec l'eau du bain, comme certains n'hésitent pas à le faire aujourd'hui en ignorant l'enjeu essentiel lié à l'existence de l'AERES : la qualité et la performance de notre système de recherche et d'enseignement supérieur.

A l'image de la  « Complexité simple » de Kandinsky, beaucoup de simplification, d'homogénéité et de cohérence se rassemblent au sein des missions de l'AERES.

Michel Berson, sénateur (PS) de l'Essonne, est rapporteur spécial du budget recherche et enseignement supérieur, membre du conseil de l'AERES.

jeudi 6 décembre 2012

Les universités à portée de clic aux quatre coins du monde

  Le Monde, 13 novembre 2012 

"Le prochain Einstein pourrait-il être au Soudan du Sud ? en Haïti ? Au Bangladesh ?", demande avec une certaine malice Shai Reshef aux centaines de personnes venues l'écouter le 28 août à Kansas City (Missouri). Le premier orateur de la conférence TEDx a bien sa petite idée sur la question. Shai Reshef est le président de University of the People, une université en ligne entièrement gratuite fondée en 2009.

Depuis sa création, plus de 1 500 élèves de 132 pays différents y ont suivi des enseignements de gestion et d'informatique, avec à la clé pour les meilleurs une bourse de scolarité à la New York University.
"Combien d'Albert Einstein, de Marie Curie, de Stephen Hawking attendent d'être découverts dans d'autres pays en développement ? (...) L'unique façon de le savoir est de donner à chacun la possibilité d'être le prochain Einstein", continue-t-il, avant d'asséner : "Quand vous formez une personne, vous pouvez changer sa vie. Quand vous en formez beaucoup, vous pouvez changer le monde." L'ambition est affichée.

DÉMOCRATISER L'ACCÈS AUX ÉTUDES SUPÉRIEURES

En démocratisant l'accès aux études supérieures, Shai Reshef est convaincu de révolutionner l'institution multiséculaire qu'est l'université et d'ouvrir la porte à un monde meilleur où les formations d'élite ne seront plus réservées qu'aux plus aisés. Et il se pourrait bien qu'il ait raison, d'autant que University of the People n'est qu'un des nombreux projets à avoir éclos récemment sur le même principe. Stanford, Harvard, Berkeley, Princeton, les plus prestigieuses universités américaines mènent notamment la danse depuis 2011 en proposant certains de leurs cours gratuitement sur Internet.
Bien sûr, cela fait longtemps que l'on parle de l'université en ligne. La mise à disposition de cours magistraux filmés s'est même assez largement répandue au début des années 2000, avec des initiatives comme Canal-U en France, la vidéothèque numérique de l'enseignement supérieur. Mais le manque d'interactivité du format n'a jamais réellement permis un décollage.

Le tournant date de l'automne 2011, lorsque Sebastian Thrun, professeur à l'université Stanford, en Californie, ouvre le premier MOOC (Massive Open Online Course) - un cours en ligne gratuit, interactif, ouvert à tous et à valider par étapes -, sur l'intelligence artificielle. Le succès est sans précédent. 160 000 internautes de 190 pays différents s'inscrivent. Des bénévoles traduisent le cours dans 44 langues. 23 000 étudiants vont jusqu'au bout et reçoivent un certificat d'accomplissement avec leur score et parmi les 248 étudiants qui décrochent la meilleure note, aucun n'est inscrit à Stanford !

Sidéré par l'expérience, le professeur Thrun lance en janvier dernier une plate-forme privée, baptisée Udacity, recensant quatorze MOOC, qui revendique aujourd'hui 220 000 utilisateurs actifs. En même temps, deux autres professeurs de Stanford lancent Coursera, une plate-forme de mise à disposition de cours par 33 universités partenaires, de Princeton à Edimbourg, en passant par Melbourne. Enfin, troisième acteur majeur de ce nouveau marché et pas des moindres, edX est lancé en mai avec un budget de 60 millions de dollars par le MIT (Massachusetts Institute of Technology) et Harvard, rejoints depuis par Berkeley et l'université du Texas. Et ce n'est pas fini. "Depuis le lancement, 140 universités à travers le monde, dont plusieurs en Europe, ont exprimé le souhait de collaborer avec nous", se réjouit Johannes Heinlein, responsable des relations avec les universités chez edX.

COMMENT ÉVITER LA TRICHE ?

En Europe, l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) est, pour l'instant, la seule à proposer un MOOC, sur la plate-forme Coursera. Il s'agit d'un cours sur Scala, un langage de programmation informatique successeur de Java, qui est donné par Martin Odersky, son inventeur, en personne. "C'est un premier succès assez extraordinaire, raconte le professeur Pierre Dillenbourg, responsable de ce programme au sein de l'institution suisse. 45 000 étudiants se sont inscrits, alors que l'EPFL n'accueille que 8 000 étudiants sur le campus !"

Deux autres MOOC sont en cours de production à Lausanne et devraient voir le jour d'ici à la rentrée prochaine. "C'est un travail énorme, reconnaît M. Dillenbourg. Il faut produire les vidéos, et, surtout, s'assurer que les énoncés des questions à résoudre sont suffisamment clairs. Si 40 000 personnes nous envoient une demande d'explication, nous sommes morts." Enthousiaste, il est également tout à fait conscient que "le point chaud aujourd'hui avec les MOOC est la certification".

Comment éviter la triche ? Les universités vont-elles délivrer des diplômes parallèles à leurs étudiants en ligne, au risque de dévaluer complètement la scolarité sur les campus ? D'ores et déjà, l'université du Colorado permet à ses étudiants de suivre un cours sur Udacity et de valider leurs crédits en effectuant un test dans l'un des 450 centres de l'entreprise Pearson pour 89 dollars. De son côté, edX hésite à maintenir les certificats gratuits ou à les faire payer à moindre coût. Comme les journaux, le cinéma ou la musique avant elle, l'université voit son modèle traditionnel sérieusement bousculé par Internet. Le président du MIT n'en faisait pas mystère il y a quelques mois, à la cérémonie de lancement d'edX, en prévenant la salle : "Accrochez vos ceintures !"

lundi 26 novembre 2012

Réforme des universités : vers la conclusion des assises

LE MONDE |

Plus de 100 auditions, 1 200 contributions écrites, 20 000 participants à plus de 500 réunions et débats en région... C'est peu dire que les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche ont mobilisé. Lancés en juillet, les débats se concluront mardi au Collège de France, où sont attendus quelque 500 participants.
Le comité de pilotage devrait faire des propositions sur les trois thèmes fixés par Geneviève Fioraso, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche : la réussite de tous les étudiants, une ambition pour la recherche et la révision de la gouvernance des universités. Un projet de loi devrait être déposé fin mars 2013, et voté avant fin juin 2013. Parmi ces propositions, certaines devraient être plus ou moins bien accueillies.
  • Réduire l'échec en première année
Faire réussir tous les étudiants en premier cycle est la priorité du gouvernement. Le plan "Réussir en licence", lancé en 2007 avec 730 millions d'euros de crédits qui devaient diviser par deux l'échec des premières années, a été un fiasco: en première année, un étudiant sur deux échoue et seulement 38 % de ceux entrés en première année en 2008 ont bouclé leur cursus en trois ans. Ce sont les bacs généraux qui réussissent le mieux (44 %). Seuls 10 % des titulaires d'un bac technologique décrochent leur licence en trois ans. Aucun bac professionnel n'y parvient, selon le ministère.

Le comité de pilotage propose ainsi, pour réduire ce taux d'échec, de décloisonner les enseignements afin de laisser aux étudiants le temps de la réflexion. "Il faut être dans une spécialisation progressive et non pas dans une formation très spécialisée dès la première année", avait déclaré François Hollande, lors de son discours sur l'enseignement supérieur le 5mars à Nancy. C'est aussi le message qu'a adressé, lundi 26novembre, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, lors de l'ouverture des assises nationales.
La pluridisciplinarité est une vieille revendication des syndicats étudiants. La conférence des présidents d'université (CPU) est aussi sur la même ligne.

Plusieurs universités ont, vont ou réfléchissent à mettre en place ce type de cursus. Paris-10 (Nanterre) a lancé il y a quelques années une licence "Humanités", Rennes-2 travaille sur une licence baptisée "culture antique et modernité européenne" qui mêlera lettres classiques, langues anciennes, histoire et lettres modernes.

Des licences pluridisciplinaires (chimie-biologie, maths-informatique ou maths-physique) démarreront en septembre2014 à l'université Pierre-et-Marie-Curie à Paris. "Nos étudiants disent qu'ils veulent avoir du temps pour se spécialiser", confirme Fabrice Chemla, vice-président de la formation initiale et continue.
Mais la pluridisciplinarité ne devrait pas faire l'unanimité. Le collectif Sauvons l'université, s'il n'est pas contre le principe, critique sa mise en œuvre. "On sera plutôt dans la dilution de disciplines", critique son porte-parole Etienne Boisserie, qui craint un enseignement au rabais. Au-delà, c'est toute la recherche en France qui risque d'en pâtir. "Si les enseignements sont dilués, les étudiants seront beaucoup moins armés pour faire de la recherche en master." Christine Noille, la présidente de Sauvons l'université, rappelle qu'"en classes prépa les élèves ont six heures par semaine de chaque discipline, à l'université, une heure trente ou deux heures par semaine dans le meilleur des cas!"
  • Plus de places en BTS et en DUT
Trop de bacheliers titulaires d'un bac pro ou d'un bac techno ne trouvent pas de place dans ces filières qui leur sont pourtant destinées et échouent inévitablement à l'université. Le Plan licence de 2007 prévoit un accès de droit aux IUT des bacheliers technologiques avec mention. Dans les faits, ce sont les bacs généraux qui trustent les places : 68 % des étudiants en IUT, 30 % pour les bacs techno et 2 % pour les bacs pro.
Pendant sa campagne, François Hollande avait indiqué vouloir leur réserver des places sans pour autant parler de quota, ce qui revient pourtant au même. "Si l'incitation à accueillir en priorité les bacs pro en STS [préparant au BTS] et les bacs techno en IUT ne suffit pas, nous passerons par la loi", devait indiquer, lundi, Jean-Marc Ayrault.

Le comité de pilotage veut aller dans ce sens en appliquant une sorte de discrimination positive. "Jusqu'à présent, ce sont des commissions dans les IUT qui choisissent leurs étudiants. Nous proposons que ce soit le recteur [et donc l'Etat] qui affectera les étudiants", indique un de ses membres.

L'idée d'imposer des quotas déplaît fortement aux directeurs des 115 IUT. Celle d'un fléchage, une orientation imposée des étudiants, pourrait les faire bondir. "Nous sommes opposés aux quotas, avertit d'emblée Jean-François Mazoin, président de l'association des directeurs d'IUT, mais favorables à prendre des engagements par contrat avec l'Etat et les recteurs. Notre objectif est d'arriver à un équilibre, 50 % de bacs généraux et 50 % de bacs techno." Le manque de bacs techno en IUT s'expliquerait aussi, selon Jean-François Mazoin, par un déficit de candidats. "Il faut faire passer le message dans les lycées afin qu'ils mettent notre filière en premier choix sur Admission post-bac. A la rentrée 2012, seuls 38 % des bacheliers techno avaient inscrit un IUT en premier vœu sur ce logiciel."
  • L'évaluation des enseignants
C'est là encore une revendication des étudiants, mais elle devrait faire hurler les enseignants. Si elle se fait ici ou là dans les universités au bon vouloir des professeurs, elle reste très marginale. "Il faut installer une culture de l'évaluation des enseignants", indique un membre du comité de pilotage. Un cadre méthodologique national pourrait être créé si cette proposition est retenue.
  • Moins de pouvoirs pour les présidents d'université
La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) sur l'autonomie a été très critiquée pour avoir donné trop de pouvoirs aux présidents. Dès sa nomination, Geneviève Fioraso avait dit "vouloir en finir avec l'hyperprésidentialisation".

Sur ce point, Jean-Marc Ayrault souhaite que la communauté universitaire "tire les leçons de la LRU". "J'attends des propositions en matière de gouvernancequi permettront un rééquilibrage des pouvoirs", a-t-il indiqué. Le comité de pilotage veut supprimer le droit de veto du président sur les recrutements et lui retirer ses pouvoirs sur l'avancement et les primes des personnels. Il veut aussi introduire une procédure de destitution du président et de ses vice-présidents.
  • Vers la création d'une nouvelle structure d'évaluation
Plutôt que de réformer l'Aéres, l'agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, critiquée de toute part, le comité de pilotage opte pour la création d'une nouvelle entité. "Si l'Aéres a fait progresser la France sur deux points: l'évaluation de tous les laboratoires et des formations, elle est devenue beaucoup trop bureaucratique et c'est une agence de notation qui ne donne pas d'indications pour s'améliorer", explique le comité de pilotage.

lundi 4 juin 2012

Geneviève Fioraso : "La loi sur l'autonomie a été un leurre total"

Le Monde, 2 juin 2012

François Hollande avait promis une réforme en profondeur de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU).

Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, annonce au Monde que "plus qu'une réforme en profondeur, ce sera une nouvelle loi d'orientation de l'enseignement supérieur et de la recherche qui va remplacer la LRU".

Celle-ci sera déposée au Parlement début 2013, "après une grande concertation de toute la communauté universitaire". Des assises régionales auront lieu en octobre puis nationales fin novembre-début décembre.

A peine désignée, la nouvelle ministre a multiplié les visites auprès de la communauté universitaire : enseignants, chercheurs, présidents d'université, syndicats... Objectif : restaurer le dialogue et la confiance. La méthode est saluée. Celle-ci suffira-t-elle à calmer les impatiences ?

Quelle réforme de la LRU envisagez-vous ?

Plus qu'une réforme en profondeur, c'est une loi d'orientation qui remplacera la LRU. Elle sera déposée au Parlement début 2013 après une concertation de toute la communauté universitaire. Des assises régionales auront lieu en octobre 2012 puis nationales fin novembre-début décembre 2012.

Reviendrez-vous sur l'autonomie des universités ?

Absolument pas. Mais il faut être réaliste, la LRU n'a pas réellement donné les moyens aux universités d'exercer cette autonomie. Cette loi a d'énormes défauts : la collégialité a été abandonnée et nous sommes devant une hyperprésidentialisation. Sur le papier, le président a tous les pouvoirs. Mais en réalité, dès qu'il essaye de faire des choses innovantes, expérimentales ou d'affirmer une politique autonome, il se fait taper sur les doigts par le ministère. Cette loi sur l'autonomie est un leurre total.

Comment allez-vous vous y prendre ?

Il faut réintroduire de la collégialité. C'est l'esprit même de l'université. Or, on n'y arrive pas en nommant un chef. Il n'est pas possible d'avoir la même organisation dans une université que celle qui prévaut dans une entreprise. Le président manager d'une "entreprise université", ça ne marche pas ! C'est antinomique avec la culture de l'université. Partout ailleurs dans le monde, il existe des "sénats académiques " [une instance faisant contrepoids au conseil d'administration] et un conseil d'administration avec un doyen ou un recteur qui gère les relations extérieures.

Allez-vous modifier le mode électoral ?

Il faudra donner moins de pouvoir au président et mieux distinguer ce qui relève de la stratégie scientifique de ce qui relève de la gestion.

Dans tous les cas, tout le personnel, tous les acteurs, au premier rang desquels les étudiants, doivent être davantage impliqués dans le dialogue.

LM: Agence nationale de la recherche (ANR), Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Aeres)... les enseignants chercheurs se plaignent du trop grand nombre de structures, qu'allez vous faire ?

Il faut simplifier. Prenons l'exemple de l'ANR. Cette institution est totalement débordée, elle manque de postes. Il n'est pas question de la critiquer mais sur l'ensemble des projets qu'elle doit auditer, elle est en retard. Le précédent gouvernement lui a donné des missions bien trop larges sans lui donner les moyens. Il faudra préciser son champ d'intervention.

Les universités réclament de l'argent, quelles marges de manœuvre budgétaires aurez-vous ?

Je ne veux faire aucune annonce, aucune promesse. Nous ne sommes pas dans la com'. Nous attendons l'audit de la Cour des comptes. Nous ferons un bilan complet la troisième semaine de juin 2012. A partir de là, nous connaîtrons nos marges de manœuvre et le calendrier possible. Il y aura un collectif budgétaire. Je découvre quand même un ministère dans lequel le 10e mois de bourse [160 millions d'euros annuel] n'a pas été budgété. D'autres dépenses, que je ne peux révéler pour l'instant, qui ont été annoncées et largement valorisées auprès des médias et de la communauté ne le sont pas non plus.

François Hollande a promis une allocation d'autonomie pour les étudiants, aurez-vous les moyens de la mettre en place ?

Toutes les aides seront remises à plat en concertation avec les syndicats étudiants : demi-part fiscale, allocation logement, conditions de ressources ou plutôt indépendance fiscale de l'étudiant... mais cela ne sera pas prêt pour la rentrée 2012.

Les opérations de rénovation du plan Campus tardent à se concrétiser sur le terrain et le recours aux partenariats public-privé (PPP) est très critiqué. Allez-vous les remettre en cause ?

Aucune convention n'a été signée, pas un centime d'euro de l'Etat n'a été versé à part les frais d'ingénierie. Les seules qui ont débloqué l'argent, ce sont les collectivités territoriales. Il y a un problème ! Nous rencontrons actuellement tous les acteurs du plan Campus pour faire un bilan, pour savoir où on en est. Il n'est pas question de ne pas tenir compte du travail de qualité réalisé. On me dit que les PPP sont plus efficaces, mais je constate, quatre ans après leur démarrage, que pas un bâtiment n'est sorti de terre. Ils coûtent cher et ne profitent qu'aux grandes majors du BTP. Nous devons envisager d'autres montages juridiques et financiers moins complexes, avec l'appui de la Caisse des dépôts où l'université conserverait la conduite de l'opération.

Les investissements d'excellence visant à doter la France de méga-universités sont critiqués par une partie de la communauté universitaire. Des recours ont été déposés, l'un concerne Paris-Sorbonne Cité, l'autre Marseille. Reviendrez-vous sur ceux déjà signés ?

Arrêtons de nous focaliser sur les Idex ! Nous n'agirons pas, là encore, dans la brutalité mais nous allons remettre à plat les Idex. Nous ne léserons aucun bon projet. Ce qui compte, c'est d'avoir une stratégie de sites et de voir si elle doit être aidée. Cette stratégie s'inscrira sous un nom que l'on définira ensemble.

Y aura-t-il alors un rééquilibrage sur le territoire ?

Il y aura une vision modifiée et rééquilibrée sur le territoire. Comment expliquer que le Nord, l'Ouest et Rhône-Alpes, deuxième région universitaire de recherche, aient été oubliés ? A l'étranger, on tient compte de la diversité des universités. On ne crée pas de mastodontes.

De l'argent a été promis au titre des Idex. Allez-vous en mettre moins dans certains endroits et plus ailleurs ?

Nous allons identifier quelle est la réalité de ces milliards. C'est l'une des missions de la Cour des comptes. L'équilibre et le travail en réseau seront préférés à une compétitivité absurde.

Le plan Réussite en licence lancé en 2007 est très critiqué. L'échec en premier cycle est toujours très important. Quels sont vos remèdes ?

C'est mon chantier prioritaire. Ce plan a mobilisé 730 millions d'euros et aucun indicateur n'a bougé. Comment ces millions ont-ils été utilisés ? Pourquoi cela n'a pas marché ? Mon cabinet et celui de Vincent Peillon [ministre de l'éducation nationale] se sont vus pour travailler sur ce que l'on appelle le -3 ans (le lycée) +3 ans (la licence). L'orientation est primordiale. Toutes les filières sont respectables, qu'elles soient professionnelles ou technologiques. Il n'est pas question d'envoyer au casse-pipe, sans préparation, sans passerelle et sans accompagnement renforcé, des étudiants qui veulent poursuivre leurs études à l'université avec un bac technologique. Mais peut-être faudra-t-il les faire passer par une filière plus professionnalisante, les accompagner ou pourquoi pas leur donner un an de plus. Ils devront aussi retrouver des places dans les IUT, souvent prises par des élèves des bacs généralistes.

Il y a un vrai débat autour de la formation des enseignants, souhaitez-vous que ce soit l'université qui l'assure ?

Absolument. Et elle doit concerner tous les enseignants, même les maîtres de conférence. Sur ce sujet, il y a une énorme déficience renforcée par la réforme de la formation des maîtres. La pédagogie ne s'invente pas. Enseigner est un vrai métier. Il faut l'apprendre.

Nathalie Brafman et Isabelle Rey-Lefebvre

vendredi 16 mars 2012

Le classement mondial 2012 Times des universités

Lien : http://www.timeshighereducation.co.uk/world-university-rankings/

Références

- World’s best universities ranked, Nature, 15 Mar 2012