lundi 25 mai 2009

Xavier Darcos, Valérie Pécresse et la mastérisation

Xavier Darcos, Valérie Pécresse et la mastérisation, par Brigitte Perucca , Le Monde, 23 mai 2009

Les universités sont quasiment débloquées, mais les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), eux, sont encore crispés. Même si Xavier Darcos, chargé de la réforme de la formation des professeurs, a en partie désarmorcé la grogne en repoussant sa mise en oeuvre d'un an, le problème n'est que différé. Cette "mastérisation" aura constitué la face cachée du mouvement qui agite les universités depuis huit semaines.

Tout sauf anodine, puisqu'elle modifie le niveau de recrutement et la façon dont vont être formés les professeurs de ce pays, cette réforme a une autre caractéristique : son traitement concerne certes au premier chef le ministère de l'éducation, qui recrute les professeurs mais a de fortes implications pour le ministère de l'enseignement supérieur qui les forme.

Xavier Darcos et Valérie Pécresse auraient dû en bonne logique penser et agir la réforme ensemble. Or le moins que l'on puisse dire est que les deux équipes ministérielles n'ont traité le sujet ni en harmonie ni même en commun. Pendant toute la durée de la crise, les deux ministres n'ont cessé - en privé - de se renvoyer la responsabilité de l'impasse dans laquelle se trouvait le mouvement des universités.

A chaque fois qu'on évoque devant elle les difficultés de mise en oeuvre, mais aussi le mal-fondé de la réforme de la formation des maîtres, la ministre de l'enseignement supérieur répond par un "joker" ! Cette réponse en forme de pied de nez signifie que Mme Pécresse n'approuve ni ne défend vraiment une réforme qui n'est pas la sienne. De surcroît, Mme Pécresse n'a pas été dupe de l'empressement de M. Darcos à vouloir réaliser la mastérisation si promptement : elle lui permettra d'économiser à terme des milliers de postes.

Cette mastérisation - qui vise à traduire concrètement le fait que tous les enseignants seront recrutés à bac + 5 - n'est pas seulement une mesure d'économie. C'est une réforme qui permet à M. Darcos de satisfaire tous ceux qui veulent en finir avec les IUFM. Créés par Lionel Jospin, ils sont honnis d'une bonne partie du monde académique et universitaire. Mais bizarrement, la contestation de cette réforme n'est pas venue des IUFM, muets dans un premier temps devant le dépeçage de l'aspect "professionnel" de la formation enseignante. Leurs critiques ont cependant fini par émerger, les directeurs d'IUFM regrettant que les nouveaux futurs enseignants soient "lâchés" sans formation devant des classes.

Les présidents d'université n'étaient pas mécontents de récupérer dans leur giron une formation que certains d'entre eux jugent confisquée par les "pédagogues" et dont le rattachement à l'université paraît logique. Mais comment s'y prendre, dans l'université telle qu'elle est, pour assurer à la formation d'enseignant le caractère professionnalisant dont elle a besoin ? Les universitaires, non préparés puisque mis à l'écart des préliminaires de la réforme, en ont réalisé assez vite les effets collatéraux.

Les enseignants-chercheurs se sont ainsi inquiétés de la création de cet "ovni" que risque d'être le master "enseignement". De quoi seront "faits" ces masters ? S'agit-il d'une sorte de "pot-pourri" de disciplines dont l'enseignement n'aurait, de fait, rien d'universitaire puisqu'il s'agit de garantir que les futurs professeurs des écoles possèdent bien les connaissances de base nécessaires ? Que deviendront ces jeunes en cas d'échec ? N'y a-t-il pas un risque que cette filière capte les meilleurs des étudiants en sciences humaines, ce qui, du coup, priverait ces filières de "bons" étudiants ? Que l'on juge ces critiques discutables ou irrecevables ne change rien à l'affaire : les choses auraient dû être dites et débattues avant d'être imposées.

De la même manière que l'on ne change pas par "décret" un rapport aussi complexe que celui de l'enseignement et de la recherche, on ne peut bousculer en quelques semaines, sous prétexte d'économies, une formation aussi sensible que celle des professeurs. Et il y a fort à parier que tous les aspects de la réforme auraient été mieux traités si un seul ministère avait piloté ladite réforme.

Car cette gestion morcelée ne tient pas seulement au fait que les titulaires des deux portefeuilles ne s'entendent pas. Elle démontre aussi que l'enseignement est un continuum difficile à scinder. Les incompréhensions et les malentendus autour de la mastérisation auraient peut-être été résolus plus tôt si le dossier avait été d'emblée étudié sous toutes ses facettes. Ce qui vaut pour la formation des maîtres peut s'appliquer à d'autres dossiers comme la réforme du lycée. Une bonne partie de l'argumentaire de M. Darcos pour "changer" le lycée repose sur l'idée qu'il ne prépare pas convenablement aux exigences de l'enseignement supérieur.

Et que dire si demain l'enseignement supérieur était séparé de la recherche de manière à "offrir" à Claude Allègre, l'ancien ministre de l'éducation de M. Jospin, le portefeuille sur mesure (la recherche et l'industrie) qu'il réclame ? Nul doute que les enseignants-chercheurs et les chercheurs, à qui M. Allègre n'a pas laissé que des bons souvenirs, auront du mal à s'y retrouver.

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Brigitte Perucca, service Planète

Courriel : perucca@lemonde.fr

samedi 23 mai 2009

Plaidoyer pour refonder l'université

Plaidoyer pour refonder l'université, le Monde, 23 mai 2009

"L'université en crise. Mort ou résurrection ?", interroge la Revue du Mauss (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales). Ce titre n'est pas une simple dramaturgie. Il reflète la crainte réelle qu'à l'issue de seize semaines de mouvement de grève des enseignants-chercheurs le pronostic vital de l'université soit engagé. Qu'on ne s'y trompe pas, les vingt-huit articles ne composent pas l'énième point sur le sujet, mais s'invitent dans le débat pour tenter de définir ce qu'est l'université, de comprendre les dérives qui la menacent et d'esquisser les solutions qui peuvent lui permettre d'éviter une lente agonie.

Au rang des définitions, Drew Gilpin Faust, première présidente de la prestigieuse Harvard University, avait estimé en 2007 que "l'essence de l'université est qu'elle est responsable envers le passé et l'avenir d'une manière qui peut (doit) entrer en conflit avec les demandes du moment".

Mais sauvera-t-on l'enseignement supérieur en sauvant l'université, ou bien faut-il laisser périr l'université pour sauver l'enseignement supérieur français ? Il faut oser aborder le problème aussi ouvertement dans une France qui aime ses grandes écoles et leur confie la formation de ses élites. Mais la Revue du Mauss choisit de confronter des regards et des approches. L'entretien avec Henry Mintzberg, professeur à McGill à Montréal, qui estime que "les business schools sont en train de détruire la pratique du management en prétendant que les manageurs sont des professionnels", donne le "la", alors que les écoles de commerce voient pourtant leurs effectifs grossir d'année en année, et que le taux d'inscription en première année d'université est tombé de 44 % à 34 % entre 1997 et 2007, comme l'observe le sociologue François Vatin.

La question déborde d'ailleurs le seul cadre des grandes écoles pour laisser, d'un côté, l'université et, de l'autre, un très large système sélectif, public ou privé, de plus en plus prisé. Cette approche du débat a été un peu oubliée au fil des semaines du mouvement, mais la mise en concurrence de l'université la prive des meilleurs bacheliers. Point crucial lorsqu'il s'agit de penser une refondation et non plus de polémiquer sur l'autonomie.

La partie consacrée à ce sujet montre d'ailleurs que, là aussi, la revue n'a pas envie de tourner en rond. Si elle reprend de Bruno Latour, directeur scientifique de Science Po, son plaidoyer pour la "liberté de recherche qui ne va pas sans une liberté de s'organiser", auquel l'article signé de l'économiste Thomas Piketty répond par un tonitruant "autonomie des universités : l'imposture", la nouveauté réside dans l'intervention à quatre mains de Catherine Paradeise et Yves Lichtenberger. Les deux sociologues en appellent dans ces pages à la "capacité des acteurs à s'entendre pour partager des objectifs, créant de fait une identité et une culture d'établissement". Une démarche qu'Alain Caillé, le directeur de la publication, aimerait voir s'élargir à une communauté universitaire plus large qui aurait envie de prendre en charge son destin. C'est d'ailleurs dans cet espoir qu'il est à l'initiative, avec François Vatin, d'un manifeste pour refonder l'université publié dans Le Monde du 16 mai, qui circule aujourd'hui sur Internet.

Ce manifeste est né de l'article de la revue intitulé "Onze modestes propositions de réforme de l'université" et écrit par les deux sociologues. Quelques pages qui rebattent les cartes, de "la réforme des cursus", à la "réorganisation des disciplines" en passant par le "statut des universités".

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"L'Université en crise, Revue du Mauss, Editions La Découverte, 382 pages, 25 €

Maryline Baumard

mercredi 20 mai 2009

Pécresse : «Nous avons payé le prix de 25 ans de passivité»

Pécresse : «Nous avons payé le prix de 25 ans de passivité» , Le Figaro, 19 mai 2009

INTERVIEW - Pour la ministre de l'Enseignement supérieur, la loi sur l'autonomie permettra de combler les retards accumulés par les universités depuis 1984.

LE FIGARO. - Peut-on dire aujourd'hui que l'Université française est sortie de la crise ?

Valérie PÉCRESSE. - La reprise des cours est largement amorcée dans les universités, même celles qui étaient les plus touchées par le mouvement. Il y a, certes, encore quelques perturbations dans une poignée d'entre elles, et je reçois les recteurs des académies où un accompagnement sur mesure doit être mis en place. L'objectif, c'est que le programme soit rattrapé. Certains crédits peuvent être transférés d'un semestre à l'autre en première et deuxième année, mais pas en troisième année. Aucun diplôme de licence ne peut être délivré sans rattrapage. J'ai aussi, et avant tout, le souci des étudiants les plus fragiles, victimes des blocages. J'ai déjà proposé de prolonger les bourses d'un mois et de laisser l'usage des chambres universitaires jusqu'en juillet.

Quels enseignements tirez-vous de ce conflit ?

Ces quatre mois de manifestations ont révélé une cristallisation de toute une série de craintes autour des réformes. On a assisté à la résurgence de préoccupations anciennes et récurrentes sur la privatisation des universités ou la dévalorisation du métier d'enseignant. Nous payons le prix du passé, celui de vingt-cinq ans de passivité, de dévalorisation progressive du métier d'enseignant-chercheur, et du manque d'investissement de l'État dans les universités. Aujourd'hui, l'effort financier de l'État en faveur des universités est colossal, la revalorisation des carrières est lancée. Le plan licence, qui consiste à investir massivement dans les premières années universitaires est une réponse ; le plan campus, autre source d'investissement par l'État, en est une autre.

Avez-vous sauvé l'essentiel de votre réforme en dépit des concessions faites aux enseignants-chercheurs ?

L'autonomie continue d'avancer. Elle suit son cours et elle s'améliore au fil du temps. Au fur et à mesure que l'université prend ses responsabilités, l'administration deviendra moins tatillonne et davantage partenaire.

D'ores et déjà, sept universités ont demandé à prendre la responsabilité de leur immobilier : Toulouse-I, Clermont-Ferrand-I, Poitiers, Avignon, Marne-la-Vallée, Corte et Paris-VI.

D'autres ont décidé de créer des fondations, comme le leur permet la loi, pour récupérer des fonds privés : à Montpellier-III, université de sciences humaines, une fondation vient d'être créée pour financer un dictionnaire des hiéroglyphes !

Enfin, le décret sur les enseignants-chercheurs a bien été réécrit. L'évaluation régulière des enseignements et de la recherche est une formidable avancée et permet aussi une plus grande souplesse dans la gestion des ressources humaines même si nous n'avons pas pu augmenter la part des promotions locales dans les universités. En 1984, la gauche avait tenté d'instaurer ces souplesses. Il aura fallu vingt-cinq ans pour les mettre en place.

La faculté, grande perdante d'un interminable bras de fer

La faculté, grande perdante d'un interminable bras de fer , Le Figaro, 19 mai 2009

La réputation des filières de sciences humaines, très mobilisées, est écornée.

Même s'il est encore tôt pour dresser un bilan du plus long mouvement universitaire français, force est de constater que dans le match des gagnants et des perdants, la balance ne penche pas du côté de l'université. Dès la rentrée prochaine, les établissements perturbés de façon répétitive risquent de traîner une mauvaise image, en France comme à l'étranger. Un phénomène qui a déjà pu être observé en 2006 avec les manifestations anti-CPE, et en 2007 avec celles contre la loi LRU. La réputation des filières de sciences humaines, très mobilisées, sera sans doute durablement écornée.

Rennes-II, qui vit cette année son troisième blocage en trois ans, a perdu 14 % de ses étudiants entre 2005 et 2008. Sur la même période, plusieurs universités «agitées » ont connu une baisse du nombre des étudiants, selon le ministère, notamment Toulouse-Le Mirail, Montpellier-III et Paris-IV.

La question d'une dévalorisation de certains diplômes ne manque par ailleurs pas de se poser, alors que des établissements perturbés affirment pouvoir compenser une dizaine de semaines d'interruption des cours en seulement deux ou trois semaines !

«Souplesse de fonctionnement»

Un curieux paradoxe veut que l'Université française, promise à une revalorisation par Nicolas Sarkozy, ressorte finalement de ce conflit affaiblie. Les suppressions de quelques centaines de postes annoncées cette année dans les établissements, alors que le gouvernement augmentait parallèlement, et de façon importante, le budget de l'enseignement supérieur, n'ont pas été comprises et ont mis le feu aux poudres.

Autre écueil, la réforme de la formation des enseignants : ce projet, qui pour les contestataires découle d'une «pure logique d'économies de postes » a parfois brouillé le sens de la réforme majeure, celle sur l'autonomie.

Votée en juillet 2007, la loi sur l'autonomie était chargée par Nicolas Sarkozy de redorer le blason de l'université française, mal classée sur un plan international et parent pauvre d'un système éducatif qui lui préfère les grandes écoles élitistes.

L'idée était d'aboutir à une véritable autonomie, que les présidents d'université réclamaient depuis vingt ans. Même la candidate socialiste à l'élection présidentielle défendait l'idée d'une réforme.

Pour Lionel Collet, président de la Conférence des présidents d'université, le bilan n'est pas noir, même si la loi reste perfectible : «La déconcentration de la gestion et des ressources humaines qu'apporte cette loi est fondamentale, car elle crée de la souplesse de fonctionnement.»

Sur la réforme du statut des enseignants-chercheurs qui découle naturellement de la loi sur l'autonomie, le gouvernement s'est heurté à un mur de corporatisme et, surtout, au mal-être d'enseignants qui s'estiment paupérisés et peu reconnus par rapport à d'autres pays. Malgré les concessions apportées à certains textes, le gouvernement estime «avoir sauvé l'essentiel» de ses réformes. Vingt universités sont déjà passées à l'autonomie cette année, d'autres suivront l'an prochain.

Les universités sortent enfin de la crise

Les universités sortent enfin de la crise , Le Figaro, 19 mai 2009

Après seize semaines de conflit, les établissements les plus radicaux, comme Lille-III et la Sorbonne, ont décidé, mardi, le déblocage.

Les derniers verrous d'opposition aux réformes gouvernementales dans l'enseignement supérieur ont sauté mardi. Les universités Paris-IV, Paris-III et Lille-III ont décidé de lever les blocages, quinze semaines après le début du conflit. Seules six universités, Toulouse-II, Aix-Marseille-I, Caen, Reims et Nancy-II, sont encore bloquées.

Fer de lance du conflit, avec son président, Georges Molinié, notoirement hostile aux réformes universitaires, Paris-IV-Sorbonne aura été l'établissement perturbé le plus longtemps. Certes, les conseils de l'université et Georges Molinié appelaient depuis quelques semaines à la levée des blocages mais affirmaient aussi que «le mouvement devait se poursuivre et s'amplifier face à un gouvernement autiste».

Mardi matin, ils ont changé de ton et voté la reprise des cours «pour ne pas pénaliser les étudiants». Cette décision a certainement influencé l'assemblée générale des enseignants et des étudiants, qui, dans l'après-midi, appelaient à la levée des blocages. La lassitude des enseignants, reconnaît Valérie Robert, maître de conférences et membre de Sauvons l'Université, a joué contre le mouvement. Ces derniers étaient de moins en moins nombreux à défiler dans les rues. Le calendrier a également eu raison de la protestation. À l'approche des dates d'examens, les blocages sont devenus impopulaires, même auprès d'étudiants hostiles aux réformes.

«Le blocage et l'absence de cours depuis plus de trois mois nuisent gravement à l'avenir des étudiants les moins favorisés, et portent préjudice à notre université», explique ainsi Jacques, enseignant à Paris-IV, «gréviste et manifestant dès le début du mouvement», qui a signé ces jours-ci, comme de nombreux collègues, une pétition pour la levée des blocages.

Certains grévistes ont également estimé avoir eu gain de cause sur quelques points. La modification de leur statut a été moins importante que prévu. Le gouvernement a par ailleurs promis qu'aucun emploi ne serait supprimé à l'université l'an prochain.

Enfin, «certains présidents d'université voyaient planer la menace de ne pas voir valider l'année universitaire au-dessous d'un certain nombre d'heures de rattrapage», affirme Valérie Robert, qui estime que cette menace du ministère a pu jouer en faveur d'une reprise des cours, notamment à Paris-IV.

Mesures en faveur des boursiers

La levée des blocages intervient par ailleurs au lendemain d'une réunion entre les syndicats étudiants et la ministre, Valérie Pécresse, qui a donné des «garanties» concernant les conditions de passage des examens et la situation des étudiants dont les cours ont été perturbés par des blocages. Elle a notamment promis un mois de bourse supplémentaire pour les boursiers contraints à des examens en juillet ou septembre. Aucun ne sera privé de bourse en 2010 pour des raisons liées à son assiduité lors du deuxième semestre.

Ces mesures ont été saluées par l'Unef, premier syndicat étudiant, même s'il a souligné qu'elles ne «levaient pas les inquiétudes qui s'expriment sur le fond» du conflit. Ces garanties ont certainement apaisé les craintes de certains étudiants qui ont pris part au mouvement, parfois de façon très active. Mardi, en marge d'un déplacement, Nicolas Sarkozy affirmait qu'en bloquant les universités, on «prive les étudiants d'avenir». Il a plusieurs fois affirmé qu'il ne reviendrait pas sur les réformes. Les grévistes ne s'avouent pas pour autant vaincus. Si les examens auront lieu à Paris-III, autre bastion de la contestation avec Paris-IV, les contestataires promettent que le mouvement reprendra «après les examens» et «au retour des vacances d'été». Une affirmation qui paraît aujourd'hui prématurée, alors que les acteurs du conflit s'avouent eux-mêmes épuisés après quatre mois de bras de fer avec le gouvernement.

mardi 19 mai 2009

Universités : les "refondateurs" refusent la récupération politique

Universités : les "refondateurs" refusent la récupération politique , Le Monde, 19 mai 2009

Les signataires du manifeste pour une refondation de l'université ne veulent pas être récupérés par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse. Se sentant directement interpellée par ce texte publié dans Le Monde daté du 16 mai, signé par vingt-neuf personnalités éminentes de la recherche, cette dernière a publié dans Le Monde daté mardi 19 mai une réponse qui ne satisfait pas les signataires.

Les sociologues François Vatin et Alain Caillé, le juriste Olivier Beaud publient ce matin un communiqué dans lequel ils estiment que "personne n'est habilité à parler au nom des refondateurs". Ces trois universitaires, impliqués dans le mouvement et désireux que le problème de l'université soit posé autrement dans la société, ajoutent que "pour dissiper tout équivoque, comptant parmi les initiateurs de ce manifeste, nous croyons pouvoir dire au minimum qu'il n'aurait pas recueilli 3 500 signatures à ce jour si nos collègues s'étaient aperçus de telles convergences [NDLR avec la politique ministérielle].

Mme Pécresse avait écrit qu'elle était "frappée par la convergence d'un certain nombre d'idées" portées par les signataires du manifeste "avec celles que je défends depuis maintenant deux ans".

"Il est maintenant indispensable de laisser s'organiser ceux qui essaient de structurer un débat au sein de la communauté universitaire et de laisser à ce débat le temps de se déployer pour définir une réforme consensuelle qui redonne à l'université tout son dynamisme au lieu de la diviser et de l'affaiblir", poursuivent les universitaires qui tiendront une conférence de presse mercredi 20 mai.

Ils disent par ailleurs réfléchir à la mise en place rapide d'une réunion d'une petite centaine d'universitaires motivés par cette refondation, afin d'affiner les bases d'un texte qui pourrait ensuite servir à des états généraux que chaque université pourrait mettre en place. En attendant, leur texte qui circule sur Internet continue de recueillir des signatures.

Maryline Baumard

lundi 18 mai 2009

Refonder l'université française : notre défi commun

Refonder l'université française : notre défi commun, par Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Des universitaires français de premier plan ont appelé à la refondation de l'université. Je suis frappée par la convergence d'un certain nombre d'idées qu'ils portent, avec celles que je défends depuis maintenant deux ans. Que l'on me permette donc d'apporter ma contribution à une réflexion qu'il est sain que des acteurs de l'université assument sereinement et de manière constructive.

1. La place de l'université

L'université, c'est vrai, subit durement la concurrence de filières de formation et d'écoles sélectives. Alors est-ce une faiblesse irrémédiable pour notre service public d'enseignement supérieur ? Je ne le crois pas. C'est notre héritage. A nous de savoir en faire une force. Construire, pour les étudiants, des passerelles entre écoles et universités, permettre aux universités de mettre en place des classes préparatoires en leur sein, développer les cohabilitations de diplômes, créer des écoles doctorales communes : voilà ce que les universités et les écoles sont en train de bâtir, voilà ce que je souhaite et ce que j'encourage.

Mais, pour que ces partenariats se fassent d'égal à égal, en renforçant encore la cohérence de notre système de formation, il fallait donner aux universités les moyens de développer leur potentiel scientifique et pédagogique. C'est ce que Nicolas Sarkozy a résolument choisi de faire en leur allouant des moyens inédits et en leur offrant l'autonomie qu'elles attendaient depuis vingt-cinq ans et que tous les gouvernements de gauche comme de droite avaient, sans succès, tenté de réaliser.

L'autonomie des universités est en marche. Et qui songerait aujourd'hui sérieusement à la remettre en cause ? Depuis le 1er janvier, 20 universités ont accédé à la gestion d'un budget global et à la liberté de mener une politique de recrutement ambitieuse pour la mise en œuvre d'une véritable stratégie de formation et de recherche. L'Etat est auprès de chacune d'elles pour accompagner cet accès à l'autonomie qui, c'est vrai, engage fortement l'ensemble de la communauté universitaire dans l'exercice d'une responsabilité renforcée à la fois en termes de qualité de formation, de capacité d'insertion des diplômés et d'ex cellence scientifique.

D'un Etat tuteur, parfois tatillon, nous passons au modèle d'un Etat garant, garant du caractère national des diplômes dans toutes les disciplines, garant de l'équité de traitement de tous les établissements. Désormais placées au cœur de notre système de formation et de recherche, les universités se rapprochent des écoles, partout sur le territoire, en profitant du formidable élan que leur donne la constitution des pôles de recherche et d'enseignement supérieur et la création de grands campus universitaires qui concerneront demain 60 universités et autant d'écoles.


2. Missions de l'université

Oui, l'articulation des différentes missions de l'université autour de celle, centrale, de la transmission des connaissances, est l'enjeu décisif de l'université du XXIe siècle. Le nouveau statut des enseignants-chercheurs permettra aux femmes et aux hommes qui ont choisi de servir cette ambition de la réaliser pleinement, de voir reconnaître toutes leurs activités d'enseignement et de recherche bien sûr, mais aussi celles de soutien à la mise en œuvre de la politique d'établissement.

Ce nouveau statut, qui précède et rend possible une revalorisation sans précédent des carrières des universitaires, permet à la fois d'alléger le service d'enseignement de ceux qui ont besoin d'un temps de recherche plus important et valorise enfin l'investissement pédagogique, sous toutes ses formes. Car le succès de l'université tient d'abord au succès de ses étudiants.

3. Les cursus

La qualité du premier cycle universitaire est au cœur des préoccupations du gouvernement parce qu'il garantit l'accès du plus grand nombre à un diplôme de licence qui, dans le monde de demain, sera la clé d'une insertion professionnelle réussie. Sur le socle d'une première année fondamentale, pluridisciplinaire, à l'image de cette propédeutique que beaucoup appellent aujourd'hui de leurs vœux, notre plan "réussir en licence" a l'ambition d'aider les universités à relever le défi de la réussite sans la sélection.

Doté de 730 millions d'euros, il donne aux universitaires les moyens d'être plus créatifs et plus audacieux encore dans l'accompagnement personnalisé de leurs étudiants. L'orientation des lycéens, le soutien des étudiants en difficulté, la mise en place de professeurs référents et de véritables équipes pédagogiques de licence, l'aménagement de semestres de remise à niveau ou de réorientation, sont aujourd'hui des actions concrètes que les universités mènent, pour offrir aux bacheliers une offre de formation diversifiée et de qualité.

Car c'est sur la base d'une licence qualifiante ouverte au plus grand nombre, que l'on pourra bâtir un cursus de master cohérent qui mêlera dynamiques de recherche et de professionnalisation, achevant ainsi la réforme du LMD [licence-master-doctorat]. Je prends acte d'ailleurs que, pour certains universitaires, la question de la sélection à l'entrée de ce master rénové doit être reposée.


4. La gouvernance

La loi de 2007 pose les fondements d'une autonomie qui s'exprime tout autant sur le plan scientifique que sur celui de la gestion. Il est vain d'opposer gestion et science. La première est évidemment au service de la seconde. C'est pourquoi l'autonomie doit s'appuyer sur la collégialité académique, dont on sent combien elle est fragile aujourd'hui. Cette collégialité est sans doute à consolider au sein de nos établissements, non pas seulement comme un contre-pouvoir à un conseil d'administration dont la mission première est précisément la vitalité académique de son université, mais comme un point d'appui, comme une force nouvelle.

L'autonomie, n'est-ce pas précisément confier aux acteurs de l'université la responsabilité de la structurer, afin qu'elle remplisse pleinement sa vocation intellectuelle ? Car, au-delà des crédits considérables et indispensables que l'Etat investit aujourd'hui dans son université, c'est un projet nouveau, au service de la science et au service de la jeunesse de ce pays que je propose aux universitaires de construire, sur un socle enfin solide. Alors, oui, dans un débat ouvert et riche de sa diversité, poursuivons ensemble cette refondation !

Valérie Pécresse est ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

République aristocratique, par Gérard Courtois

République aristocratique, par Gérard Courtois , le Monde, 18 mai 2009

On ne saurait soupçonner le gouvernement d'assez de machiavélisme pour imaginer que c'était le but réel et inavoué de la réforme universitaire. Mais le résultat est là.

Au-delà du maelström où sont plongées les facs depuis quatre mois, au-delà des blocages et des déblocages, au-delà de la main invisible de l'extrême gauche que la droite se plaît à dénoncer dans cette confusion, au-delà des acrobaties envisagées pour éviter aux étudiants une année "blanche", au-delà de tout cela et du reste - décrets, manifestations, pétitions, rondes obstinées, blogs vengeurs, coups de menton présidentiels -, les vrais gagnants de cet interminable conflit sont connus : ce sont les grandes écoles et tout ce qui y ressemble en matière d'enseignement supérieur privé. Comment n'apparaîtraient-elles pas, aux yeux des étudiants et de leur famille, comme des havres de paix et d'efficacité ?

Formidable schizophrénie, pour ne pas dire hypocrisie, française ! Derrière la façade égalitaire et "républicaine", l'élitisme scolaire et social est plus florissant que jamais.

Au fil des trois dernières décennies, le mot d'ordre s'est imposé : "Tout sauf la fac !" La hiérarchie des voeux formulés par les futurs bacheliers est sans appel : les meilleurs - de fait les mieux nés - intégreront les "prépas" aux grandes écoles ou, à défaut, les instituts universitaires de technologie, voire des établissements privés qui exploitent le filon. En bout de course, la voiture-balai des premiers cycles universitaires accueillera tous ceux qui ne peuvent prétendre aux cursus les plus cotés ou les plus onéreux.

Aussi injuste qu'inefficace pour le pays, tant elle rétrécit la formation de ses élites, cette mécanique sélective n'est pas seulement indexée sur les hiérarchies sociales ; elle les accentue jusqu'à l'absurde. C'est de cela, d'abord, que souffre l'université. C'est cela que la réforme en cours occulte.

Lors du forum de La République des idées, à Grenoble, récemment, l'économiste Daniel Cohen le rappelait d'un chiffre : en un siècle, l'Ecole polytechnique a doublé ses effectifs, quand ceux de l'université étaient multipliés par 70 !

Faux débat, répète Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur, elle-même diplômée d'HEC. Et de prôner rapprochements et mutualisations entre écoles et universités. Pourquoi pas ?, serait-on tenté de dire. On voit bien l'avantage qu'y trouveraient les grandes écoles, trop malthusiennes, consanguines et coupées de la recherche à l'aune des meilleures universités internationales.

De même, on imagine l'intérêt que pourraient y trouver les universités si cela se traduisait par une mise à niveau de leurs moyens : un étudiant universitaire (hors IUT) coûte 6 500 euros par an à la collectivité - et 4 000 euros à peine dans un premier cycle de lettres ; c'est moins qu'un lycéen (10 000 euros), encore moins qu'un élève de classe préparatoire (20 000 euros). Mais de cela il n'a jamais été question dans notre République "aristocratique".

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Courriel : courtois@lemonde.fr

Gérard Courtois

Universités : l'autonomie à l'épreuve des faits

Universités : l'autonomie à l'épreuve des faits , Le Monde, 18 mai 2009

Le gouvernement ne reviendra "jamais" sur le principe de l'autonomie des universités. Par deux fois, jeudi 14 mai, le président de la République et le premier ministre ont rappelé leur attachement à la loi relative aux responsabilités et aux libertés des universités (LRU) d'août 2007.

Pourtant, à en croire les présidents d'université qui en tirent un premier bilan, cette autonomie semble être rognée de toute part depuis sa mise en oeuvre le 1er janvier 2009.

Cinq mois après le transfert de nouvelles compétences en matière de budget et de gestion des ressources humaines à 18 universités, leurs présidents se sont émus, le 14 mai 2009, devant Nicolas Sarkozy, de la lourdeur des contrôles administratifs.

" Nous avons véritablement le sentiment d'être moins autonomes qu'avant, estime Alain Brillard, président de l'université de Haute-Alsace. Nous sommes contrôlés sur tout. Par exemple, alors que nous devons faire voter au prochain conseil d'administration une décision budgétaire modificative, mon secrétaire général a de suite été convoqué par le rectorat pour expliquer cette décision."

Circulaires, injonctions, demandes de précisions, les exigences de l'administration centrale ou des rectorats s'accumulent. "Il faut systématiquement demander l'avis de l'administration avant l'ouverture de postes de titulaire, alors que nous sommes autonomes sur ces questions !", tempête Gilbert Béréziat, vice-président de l'université Paris-VI. "En clair, nous voulons des contrôles a posteriori, et non plus a priori", traduit Lionel Collet (Lyon-I), président de la Conférence des présidents d'université.

Au-delà, la loi LRU est fragilisée après la publication, le 23 avril 2009, du nouveau décret statutaire des enseignants-chercheurs. Certes, explique Lionel Collet, "le décret représente une avancée, puisqu'il prévoit la reconnaissance d'autres activités que le seul enseignement et la recherche, et qu'il permet aux universités de moduler le service de leurs enseignants-chercheurs. En revanche, concernant la gestion des promotions, c'est le statu quo".

Le nouveau texte confie au Conseil national des universités (CNU), instance collégiale, le soin d'évaluer les universitaires, mais aussi de gérer la moitié des promotions des enseignants-chercheurs de chaque université.

"L'autonomie des établissements s'efface derrière le CNU", en conclut Jean-Charles Pomerol, le président de Paris-VI, dans une analyse publiée sur le site de son établissement. "Comme en quarante ans d'enseignement supérieur je n'ai jamais vu une seule promotion du CNU se faire sur la base de l'investissement de l'enseignant dans l'établissement et du service rendu aux étudiants, il est heureux que 50 % des promotions soient restées de la responsabilité de l'établissement."

"La communauté universitaire souhaitait un équilibre entre le local et le national, constate Alain Brillard. L'important, désormais, est de travailler à restaurer la confiance vis-à-vis de la loi LRU."

"CONTRE-POUVOIRS"

Car la loi sort également "fragilisée par le mouvement actuel, assure Jean-Louis Fournel, du collectif Sauvons l'université. La concentration du pouvoir entre les mains de quelques enseignants élus au conseil d'administration rompt avec le principe de collégialité de l'université".

Ce constat est partagé par les signataires du Manifeste pour la refondation de l'Université française, publié le 16 mai 2009 par la revue Mauss. "Il est indispensable de concevoir des montages institutionnels qui assurent au corps universitaire de réels contre-pouvoirs face aux présidents d'université et aux conseils d'administration, ce qui suppose des aménagements significatifs de la loi LRU."

Les présidents d'université ne se disent pas hostiles à une révision des modes d'élection des conseils d'administration (CA), et de leur rôle.

"Chaque établissement doit pouvoir définir sa propre gouvernance, voir ce que le CA peut déléguer comme pouvoir au conseil scientifique, à celui des études et de la vie universitaire, ou à ses composantes, estime Lionel Collet. C'est l'essence même de l'autonomie." Cela passe par une modification de la loi LRU.

Philippe Jacqué

vendredi 15 mai 2009

Nicolas Sarkozy a reçu les présidents des universités "autonomes"

Nicolas Sarkozy a reçu les présidents des universités "autonomes" , Le Monde, 15 mai 2009

La plupart des présidents des vingt universités passées à l'autonomie au 1er janvier 2009 ont été reçus par Nicolas Sarkozy, jeudi 14 mai 2009. Pendant ce temps, entre 1 300 et 5 000 étudiants et enseignants opposés à cette réforme défilaient à Paris, et quelques centaines en province. Les présidents des universités "autonomes", en l'absence de celui de Paris-V, Axel Kahn, en déplacement à l'étranger, ont fait le point sur leur nouveau mode de fonctionnement.

"Après avoir mis en avant notre attachement à cette autonomie, nous avons expliqué au président que le contrôle administratif était trop pesant. On est encore trop dans la logique d'un contrôle a priori, plutôt qu'un contrôle a posteriori. Le président de la République est d'accord avec ça. Il a en tout cas précisé qu'il n'était pas question de remettre en cause l'autonomie des universités", a déclaré Gérard Blanchard, président de l'université de La Rochelle. "Seuls les résultats que nous montrerons convaincront les opposants à l'autonomie", a ajouté Jean-Charles Pomerol, président de Paris-VI.

Maryline Baumard

jeudi 14 mai 2009

Vingt-neuf personnalités lancent un appel pour "refonder l'université"

Vingt-neuf personnalités lancent un appel pour "refonder l'université" , Le Monde, 14 mai 2009

Vingt-neuf personnalités du monde universitaire lancent un appel pour "refonder l'université". Les signataires sont des noms prestigieux, issus de tous les horizons politiques et de toutes les disciplines, allant du philosophe Marcel Gauchet au juriste Guy Carcassonne, en passant par le mathématicien Jean-Pierre Demailly, le professeur de sociologie François Dubet ou le philosophe Bruno Karsenty. Une partie d'entre eux avait déjà signé un texte dans Le Monde en janvier ("Université pas de normalisation par le bas").

Alors que les positions de ces personnalités ont divergé sur la loi sur l'autonomie des universités, dite LRU, toutes souhaitent mobiliser d'une même voix la communauté universitaire et scientifique autour d'un texte qui ambitionne de refonder l'université.

Un signal fort du fait de la personnalité des signataires, mais aussi par sa tonalité résolument réformatrice. Les quatre pages partent du constat du déclin de notre université et de l'urgence qu'il y a à proposer une véritable refondation, émergeant du monde universitaire lui-même. Une solution qui passe bel et bien par l'autonomie des universités.

Au rang des propositions, les signataires veulent en finir avec "la concurrence déloyale" que subit cette institution, délaissée par les meilleurs bacheliers au profit des classes préparatoires aux grandes écoles et les autres classes sélectives de l'enseignement supérieur. Ils proposent de réunir ces formations au sein d'"un grand service public propédeutique".

S'ils ne remettent pas en cause le droit de tous les bacheliers à s'inscrire à l'université, ils proposent un parcours en quatre années pour les plus fragiles et un fléchage plus efficace permettant d'en finir avec le taux d'échec dans les premiers années d'enseignement supérieur.

Le texte ouvre aussi le débat sur "un capital minimum de départ attribué à chaque étudiant" afin d'enrayer la paupérisation et la dégradation de leur situation matérielle et propose une sélection à l'entrée en première année de master, comme chez nos voisins.

Réfonder l'université française

Il est désormais évident que l'Université française n'est plus seulement en crise. Elle est, pour nombre de ses composantes, à peu près à l'agonie.

Qu'on comprenne bien ce que cela signifie. L'Université n'est pas tout l'enseignement supérieur français. Les classes préparatoires, celles de BTS, les IUT (lesquels font formellement partie des universités), et l'ensemble des petites, moyennes ou grandes écoles, publiques ou privées recrutent largement. Mais c'est au détriment des formations universitaires, que les étudiants désertent de plus en plus, et cela tout particulièrement pour les études scientifiques.

Le secteur non universitaire de l'enseignement supérieur offre des formations techniques et professionnelles, parfois de qualité, mais parfois aussi très médiocres. Même si la situation évolue depuis quelques années pour sa fraction supérieure (les "grandes écoles"), ce secteur n'a pas vocation à développer la recherche et à donner des outils de culture et de pensée, et guère les moyens humains et scientifiques de le faire.

C'est dans les universités que l'on trouve la grande majorité des savants, des chercheurs et des professionnels de la pensée. Pourtant, alors qu'on évoque l'émergence d'une "société de la connaissance", nos universités ont de moins en moins d'étudiants et ceux-ci sont rarement les meilleurs. Une telle situation est absurde. Dans aucun pays au monde l'Université n'est ainsi le maillon faible de l'enseignement supérieur.

Le processus engagé depuis déjà plusieurs décennies ne conduit pas à la réforme de l'Université française, mais à son contournement. Il ne s'agit pas en disant cela de dénoncer un quelconque complot, mais de prendre acte de la dynamique d'un système à laquelle chacun contribue par ses "petites décisions" ou par sa politique : les étudiants, leurs familles, les lycées, publics et privés, les entrepreneurs d'éducation, les collectivités locales et, in fine, l'État lui-même.

Le déclin de l'Université, matériel, financier et moral, est désormais bien trop avancé pour qu'on puisse se borner à repousser les réformes proposées. Si des solutions susceptibles de réunir un très large consensus parmi les universitaires et les chercheurs mais aussi au sein de l'ensemble de la société française ne sont pas très rapidement formulées, la catastrophe culturelle et scientifique sera consommée.

Or de qui de telles propositions pourraient-elles procéder sinon des universitaires eux-mêmes ? C'est dans cet esprit que les signataires du présent manifeste, très divers dans leurs choix politiques ou idéologiques, y compris dans leur appréciation de la loi LRU, ont tenté d'identifier les points sur lesquels un très large accord pouvait réunir tous les universitaires responsables et conscients des enjeux. L'enjeu n'est rien moins que de refonder l'Université française en la replaçant au centre de l'enseignement supérieur.

-1. Place de l'Université.

Une des principales raisons du marasme de l'Université française est qu'elle se trouve en situation de concurrence déloyale avec tout le reste du système d'enseignement supérieur (classes préparatoires et de BTS, IUT, écoles de tous types et de tous niveaux), toutes institutions en général mieux dotées per capita et davantage maîtresses du recrutement de leur public.

On touche là à un des non-dits récurrents de toutes les réformes qui se sont succédé en France. Cette situation est d'autant plus délétère que la gestion de l'enseignement supérieur dans son ensemble dépend d'autorités ministérielles et administratives distinctes (l'enseignement secondaire pour les classes préparatoires et les STS, les ministères sectoriels pour les écoles professionnelles diverses), voire échappe à tout contrôle politique. Imagine-t-on un ministère de la Santé qui n'ait que la tutelle des hôpitaux publics !

La condition première d'une refondation de l'Université est donc que le ministère de l'Enseignement supérieur exerce une responsabilité effective sur l'ensemble de l'enseignement supérieur, public ou privé, généraliste ou professionnel. C'est à cette condition impérative qu'il deviendra possible d'établir une véritable politique de l'enseignement supérieur en France et de définir la place qui revient à l'Université dans l'ensemble de l'enseignement supérieur.

Plus spécifiquement, un tel ministère aura pour mission première de créer un grand service public propédeutique de premier cycle réunissant (ce qui ne veut pas dire normalisant dans un cycle uniforme) IUT, BTS, classes préparatoires et cursus universitaires de licence.

Il lui faudra également procéder à une sorte d'hybridation entre la logique pédagogique des classes supérieures de l'enseignement secondaire et des écoles professionnelles d'une part, et celle des universités d'autre part ; c'est-à-dire introduire davantage l'esprit de recherche dans les premières et, symétriquement, renforcer l'encadrement pédagogique dans les secondes.

- 2. Missions de l'Université.

La mission première de l'Université est de produire et de transmettre des savoirs à la fois légitimes et innovants. Assurément, d'autres missions lui incombent également. Elle ne peut notamment se désintéresser de l'avenir professionnel des étudiants qu'elle forme. Elle est par ailleurs responsable de la qualité de la formation initiale et continue qu'elle délivre et de la transmission des moyens intellectuels, scientifiques et culturels à-même d'assurer une citoyenneté démocratique éclairée.

Deux principes doivent commander l'articulation entre ces différentes missions : d'une part, le souci primordial de la qualité et de la fiabilité des connaissances produites et transmises; d'autre part, la distinction nécessaire entre missions des universités et missions des universitaires, soit entre ce qui incombe à l'établissement considéré globalement et ce qui incombe individuellement aux enseignants-chercheurs et chercheurs.

Parce qu'une université doit être administrée, pédagogiquement et scientifiquement, et se préoccuper de la destinée professionnelle de ses étudiants, il est nécessaire qu'elle dispose en quantité et en qualité suffisantes de personnels administratifs et techniques spécialisés dans ces tâches.

Il incombe en revanche à des universitaires volontaires d'en assurer le pilotage. D'importantes décharges de service d'enseignement doivent alors leur être octroyées. Quant au service d'enseignement lui-même, sauf heures complémentaires librement choisies, il ne saurait excéder les normes précédemment en vigueur.

De même, le régime d'années ou semestres sabbatiques de recherche, qui est la norme dans toutes les universités du monde, doit être à la hauteur de la vocation intellectuelle de l'Université, et non plus géré de façon malthusienne.

- 3. Cursus.

Il convient de distinguer clairement l'accès à l'enseignement supérieur pour les bacheliers et l'accès aux masters.

En ce qui concerne l'entrée en licence, il convient de rappeler que le principe du libre accès de tout bachelier à l'enseignement supérieur est, en France, un des symboles mêmes de la démocratie, le pilier d'un droit à la formation pour tous. Il n'est ni possible ni souhaitable de revenir sur ce principe.

Mais il n'en résulte pas, dans l'intérêt même des étudiants, que n'importe quel baccalauréat puisse donner accès de plein droit à n'importe quelle filière universitaire.

Pour pouvoir accueillir à l'Université les divers publics issus des baccalauréats, il faut y créer aussi des parcours différenciés. Seule une modulation des formations pourra permettre de concilier les deux versants de l'idéal universitaire démocratique : l'excellence scientifique, raison d'être de l'Université, et le droit à la formation pour tous, qui la fonde en tant que service public.

Il convient donc à la fois de permettre une remise à niveau de ceux qui ne peuvent accéder immédiatement aux exigences universitaires – par exemple en créant des cursus de licence en 4 ans –, et de renforcer la formation pour d'autres publics, par exemple en créant des licences bi-disciplinaires qui incarnent une des traductions concrètes possibles de l'idéal d'interdisciplinarité, si souvent proclamé et si rarement respecté.

Il convient du même coup que l'Université puisse sélectionner ses futurs étudiants selon des modalités diverses, permettant d'identifier les perspectives d'orientation des étudiants et d'y associer un cursus adapté.

Une telle modification des règles du jeu universitaire ne peut toutefois être introduite sans qu'elle s'accompagne d'une amélioration substantielle de la condition étudiante en termes de financement et de conditions de travail. Le refus actuel de regarder en face la variété des publics étudiants conduit en effet à leur paupérisation et à la dégradation de leur situation matérielle et intellectuelle au sein des Universités. L'idée d'un capital minimum de départ attribué à chaque étudiant mérite à cet égard d'être envisagée.

En ce qui concerne les études de master, il est, de toute évidence, indispensable d'instaurer une sélection à l'entrée en première année et non en deuxième année, comme c'est le cas actuellement en application de la réforme des cursus de 2002 qui a créé le grade de master (système "LMD").

La rupture ainsi introduite au sein du cycle d'études de master a d'emblée fragilisé ces nouveaux diplômes, en comparaison des anciens DEA et DESS qu'ils remplaçaient. Il faut également supprimer la distinction entre masters professionnels et masters recherche qui conduit paradoxalement à drainer vers les cursus professionnels les meilleurs étudiants, ceux qui seraient précisément en mesure de mener des études doctorales.

- 4. Gouvernance.

Tout le monde s'accorde sur la nécessaire autonomie des universités. Mais ce principe peut être interprété de manières diamétralement opposées. Sur ce point la discussion doit être largement ouverte, mais obéir à un double souci.

D'une part, il convient de ne pas confondre autonomie de gestion (principalement locale) et autonomie scientifique (indissociable de garanties statutaires nationales).

D'autre part, pour assurer la vitalité démocratique et scientifique des collectifs d'enseignants-chercheurs, qui forment en propre l'Université, il est indispensable de concevoir des montages institutionnels qui assurent au corps universitaire de réels contre-pouvoirs face aux présidents d'Université et aux conseils d'administration, ce qui suppose des aménagements significatif de la loi LRU.

Il faut, en somme, redonner au principe de la collégialité universitaire la place déterminante qui lui revient et qui caractérise l'institution universitaire dans toutes les sociétés démocratiques. Le renouveau de ce principe de collégialité doit aller de pair avec une réforme du recrutement des universitaires qui permette d'échapper au clientélisme et au localisme.

Par ailleurs il est clair que l'autonomie ne peut avoir de sens que pour des universités qui voient leurs ressources augmenter et qui n'héritent pas seulement de dettes. En ce qui concerne la recherche, cela signifie que les ressources de financement proposées sur appels d'offre par les agences ne soient pas prélevées sur les masses budgétaires antérieurement dédiées aux subventions de financement des laboratoires, mais viennent s'y ajouter.

De manière plus générale, en matière de recherche, il convient de mettre un terme à la concurrence généralisée entre équipes, induite par la généralisation du financement contractuel, lequel engendre souvent un véritable gaspillage des ressources, en garantissant aux laboratoires un certain volume de soutien financier inconditionnel accordé a priori et évalué a posteriori, notablement plus important qu'il ne l'est aujourd'hui.

Bien d'autres points mériteraient assurément d'être précisés. Mais les principes énoncés ci-dessus suffisent à dessiner les contours d'une Université digne de ce nom. Nous appelons donc tous ceux de nos collègues – et nous espérons qu'ils représentent la très grande majorité de la communauté universitaire et scientifique – à nous rejoindre en signant ce Manifeste. Celui-ci pourrait servir de point de départ à une véritable négociation, et non à des simulacres de concertation, et être à la base d'une auto-organisation d'États généraux de l'Université.



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Premiers signataires :
Olivier Beaud, professeur de droit public à Paris II

Laurent Bouvet, professeur de science politique à l'université de Nice Sophia-Antipolis

François Bouvier, président de l'association des délégués régionaux à la recherche et à la technologie

Alain Caillé, professeur de sociologie à Paris Ouest-Nanterre- La Défense

Guy Carcassonne, professeur de droit public à Paris Ouest -La Défense

Jean-François Chanet, professeur d'Histoire, Lille III

Philippe Chanial, maître de conférences en sociologie à Paris IX-Dauphine

Franck Cochoy, professeur de sociologie à Toulouse II

Jean-Pierre Demailly, Mathématicien, Professeur à l'Université de Grenoble I, Académie des Sciences

Vincent Descombes, philosophe, directeur d'études à l'EHESS Olivier Duhamel, professeur de droit public à l'IEP

François Dubet, professeur de sociologie à Bordeaux II et directeur d'études à l'EHESS

Olivier Duhamel, professeur de droit public à l'IEP de Paris

Pierre Encrenaz, professeur de physique a l UPMC et à l'Observatoire de Paris, membre de l'Académie des Sciences

Olivier Favereau, économiste, professeur à Paris Ouest-Nanterre-La Défense

Marcel Gauchet, philosophe, directeur d'études à l'EHESS

Bruno Karsenti, philosophe, directeur d'études à l'EHESS

Philippe de Lara, maître de conférences en science politique à Paris II

Franck Lessay, Professeur à Paris III (Institut du Monde Anglophone)

Yves Lichtenberger, professeur de sociologie à Paris Est-Marne-la-Vallée

Bernadette Madeuf, économiste, présidente de Paris Ouest-Nanterre-La Défense

Dominique Méda, sociologue, directrice de recherches au Centre de Recherches pour l'Emploi

Pierre Musso, Professeur de sciences de l'information et de la communication à l'Université Rennes II

Catherine Paradeise, professeur de sociologie à Paris Est- Marne la Vallée

Philippe Raynaud, philosophe, professeur de sciences politiques à Paris II

Philippe Rollet, président de Lille I Pierre Schapira, professeur de mathématiques à Paris VI, Université Pierre et Marie Curie

Frédéric Sudre, professeur de droit public à Montpellier François Vatin, professeur de sociologie à Paris Ouest-Nanterre-La Défense

Michèle Weidenfeld, maître de conférences de mathématiques, université de Picardie Jules Verne d'Amiens

vendredi 8 mai 2009

Université de Besançon: la brigade de la grève

Université de Besançon: la brigade de la grève, 8 mai 2009

jeudi 7 mai 2009

L'université de l'absurde

L'université de l'absurde

Gâchis. Tous pensent que la réforme est nécessaire, mais personne n'en veut.
Marie-Sandrine Sgherri

Publié le 19/02/2009 N°1901 Le Point

«Notre avenir radieux sera mafieux, arriviste, clientéliste, opaque, arbitraire, mandarinal et sans contre-pouvoir ! » Ce tract de l'association Sauvons la recherche, détournant la vulgate maoïste, n'y va pas par quatre chemins : à l'instar du Grand Timonier, Nicolas Sarkozy souhaiterait liquider tout ce que ce pays compte d'intelligences. Clientéliste, opaque ou mandarinal, ces qualificatifs décrivent pourtant à merveille non l'avenir mais le présent des universitaires. En France, selon le ministère de l'Enseignement supérieur, 30 % des maîtres de conférences sont nommés dans l'université où ils ont présenté leur thèse !

C'est tout le problème de cette crise qui affecte l'université : le malade est accablé de maux, mais il refuse tout traitement.

« Je ne suis pas réfractaire aux réformes. Mon université fait partie des vingt établissements passés à l'autonomie dès cette année, explique Philippe, maître de conférences en arts du spectacle. Mais que vont devenir les filières non rentables dans les petites universités de proximité? Quid de l'universalité du savoir et du droit à étudier la littérature médiévale, que l'on habite Paris ou Clermont-Ferrand ? » Dans le collimateur de Philippe, les 900 suppressions de postes dans l'enseignement supérieur et la recherche. Y en a-t-il eu dans son université ? « Non, concède-t-il. Mais ailleurs, oui ! »

Sur les 134 000 personnes travaillant pour le ministère, ces 900 ne sont pas même une goutte d'eau, et « il n'y a pas eu un seul poste d'enseignant-chercheur supprimé ! » clame un conseiller de Valérie Pécresse. Certes, « mais c'est symbolique », estime Simone Bonnafous, présidente de Paris-12 Val-de-Marne et membre du bureau de la Conférence des présidents d'université (CPU).

Symbolique, oui, mais de quoi ? Du mépris, clame l'immense majorité des enseignants-chercheurs, remontés comme des pendules. En ligne de mire, Nicolas Sarkozy, qui annonce un effort sans précédent pour l'université, à condition que la vieille dame accepte les réformes. Un échange difficile à avaler étant donné le délabrement de l'institution.

A la CPU, Simone Bonnafous ne nie pas l'effort consenti. « 1,8 milliard en plus cette année, confirme-t-elle . Mais 800 000 euros correspondent à des crédits impôt-recherche consentis aux entreprises qui investissent dans la recherche publique. A l'université, l'argent supplémentaire correspond à des missions supplémentaires. » Autrement dit, le quotidien des enseignants ne s'améliore pas.

Or ce quotidien est intolérable : à la Sorbonne, vénérable institution dont le nom est connu dans le monde entier, « les toilettes sont repoussantes, les salles de cours n'ont ni porte ni fenêtre, il n'y a pas de bureau, nul endroit fermé où l'on pourrait ranger quelque chose. Dans une salle commune où passent 50 personnes, on compte une seule imprimante, perpétuellement en panne », dénonce ce professeur de philosophie en colère.

La coupe déborde

Dans ce contexte, le seul donnant-donnant est difficile à accepter. Mais quand Nicolas Sarkozy laisse entendre que, en échange de cette pluie d'euros dont les universitaires n'ont pas encore vu la couleur, il va les évaluer « pour la première fois », la coupe déborde !

« Evalués, nous le sommes sans arrêt, affirme Denis-Olivier Jérôme, physicien et membre de l'Académie des sciences. La concrétisation de la recherche, c'est la publication dans une revue à comité de lecture, donc une évaluation par les pairs. Les promotions aussi passent par un tel jugement. »

Nicolas Sarkozy fait donc erreur en laissant entendre que les chercheurs cherchent sans contrôle. Il eût été plus exact de souligner que seul cet aspect du travail universitaire est évalué, quand l'enseignement ne l'est guère.

C'est tout l'enjeu de la modification du décret de 1984 organisant le temps de service des enseignants-chercheurs et qui repose sur une fiction : un enseignant-chercheur passe la moitié de son temps à enseigner et l'autre moitié à chercher.

Fiction, car, si les heures de cours peuvent se compter, celles consacrées à la recherche se prêtent mal à l'exercice. Fiction aussi, car bien des enseignants cherchent moins tandis que d'autres enseignent davantage, et vice versa.

Fiction, enfin, car les fonctions administratives ont pris de plus en plus d'importance et servent d'accélérateur de carrière à ceux qui n'avaient pas forcément l'étoffe pour devenir de grands chercheurs. Mais fiction sans doute commode car persistante !

Jean-Jacques Payan, qui fut le directeur des enseignements supérieurs et de la recherche de 1982 à 1986 sous Savary puis Chevènement, en raconte la genèse : « Avant, les seules obligations des universitaires étaient de faire trois leçons par semaine, sans autre précision. Résultat, ils avaient décidé qu'une leçon durait une heure et une année vingt-cinq semaines ! J'ai institué l'obligation de faire 128 heures annuelles, soit 192 heures en TD, assortie de la modularité des services entre recherche et enseignement et de la quasi-obligation de mobilité des maîtres de conférences. » Selon Jean-Jacques Payan, l'abandon pur et simple de ces obligations fut concédé en 1986 pour acheter la paix après le désastre de la réforme Devaquet.

Les enseignants-chercheurs défendent donc leur statut envers et contre tout. Les juristes plutôt de droite, les sociologues plutôt de gauche, les prix Nobel comme Albert Fert ou les obscurs maîtres de conférences comme Philippe se retrouvent pour affirmer que le dernier intérêt qu'ils trouvent à leur métier, de plus en plus mal considéré et mal payé, est la liberté dont ils jouissent. Maigre compensation en réalité.

Le ras-le-bol se nourrit aussi de la dégradation du niveau des étudiants et de l'écart de plus en plus patent entre les fonctions d'enseignement et celles de la recherche.

« Il y a de cela quelques années, raconte cet enseignant à Paris-1, un étudiant en examen m'a avoué qu'il n'avait rien à me dire. Il ne souhaitait que redoubler puisque désormais il pouvait conserver sa bourse même en cas d'échec ! A quoi cela sert-il de nous parler d'évaluation alors que nous sommes sans arrêt confrontés à notre impuissance ? » Le philosophe se déclare favorable à la sélection à l'université et au décuplement des droits d'inscription. Vous avez dit conservateur ?

mercredi 6 mai 2009

Les blocages

Une vingtaine d'universités étaient toujours bloquées mardi par des étudiants en colère. Pourquoi ces manifestants résistent-ils ? Sont-ils inquiets pour leurs examens ? Reportage à la Sorbonne-Nouvelle (Paris III).

Interview d'Isabelle This Saint-Jean

Isabelle This Saint-Jean, professeur d'Economie à l'Université Paris-13 et présidente du collectif Sauvons la recherche (SLR), et Lionel Collet (par téléphone), président de l'Université Lyon-1 et président de la Conférence des présidents d'université (CPU) sont les invités de Nicolas Demorand dans le 7/10 de France Inter (8h20 - 06 mai 2009).



Nicolas Demorand reçoit dans le 7/10 de France Inter, Isabelle This Saint-Jean, professeur d'Economie à l'Université Paris-13 et présidente du collectif Sauvons la recherche (SLR), Lionel Collet, président de l'Université Lyon-1 et président de la Conférence des présidents d'université (CPU) et par téléphone, Marc Gontard, président de l'Université Rennes 2 (8h40 - 06 mai 2009).

mardi 5 mai 2009

L'organisation des examens universitaires tourne au casse-tête

L'organisation des examens universitaires tourne au casse-tête, Le Monde, 4 mai 2009

Au moment où le mouvement de protestation dans les universités entre dans sa 14e semaine, la question de la validation du semestre devient brûlante. Dans un entretien au Journal du Dimanche du 3 mai, la ministre de l'enseignement supérieur, Valérie Pécresse, a affirmé qu'il n'était "pas question de valider automatiquement des semestres alors que les enseignements n'auraient pas été délivrés normalement".

Ce souci est partagé par les étudiants. Selon un sondage CSA pour le Parisien/Aujourd'hui-en-France du lundi 4 mai (réalisé les 28 et 29 avril, par téléphone auprès de 1 015 personnes) 52 % des sondés estiment qu'il faut maintenir les examens tout en les simplifiant, tandis que 41 % préféreraient qu'ils se déroulent dans les conditions habituelles. Seuls 4 % des étudiants veulent que leurs examens soient supprimés et que soit validé automatiquement le second semestre pour tous.

Cette solution avait été défendue par la Coordination nationale des universités (CNU) dès le 6 avril. Réuni mercredi 29 avril, le collectif, où sont représentées les principales composantes du mouvement universitaire, avait appelé une nouvelle fois les enseignants-chercheurs et les personnels non-enseignants à "ne pas organiser les examens jusqu'à satisfaction de (leurs) revendications". La porte-parole de la Conférence des présidents d'universités (CPU), Simone Bonnafous avait condamné cette prise de position "C'est un tort très considérable qui serait porté aux universités. On ne peut pas sacrifier l'année des étudiants", avait réagi la présidente de l'université de Paris-XII Val-de-Marne. En tout état de cause, "des solutions" seront trouvées au "cas par cas", avait-elle assuré.

Sur le terrain, les universités tentent d'organiser une fin d'année présentable. Selon le dernier pointage du ministère, une vingtaine d'établissements serait affectés à des degrés divers par le mouvement de protestation. La coordination nationale affirme quant à elle que sur 83 universités, 49 retiennent les notes du premier semestre, 51 sont en grève totale ou partielle, 44 sont bloquées, et 14 ont appelé au boycott des jurys de baccalauréat où siègent des professeurs d'université.

Les opposants aux réformes de Valérie Pécresse et de Xavier Darcos ne veulent pas désarmer et cherchent de nouvelles formes de mobilisation.

Dans la nuit de dimanche à lundi, la "ronde infinie des obstinés", une marche permanente sur le parvis de l'Hôtel de Ville de Paris, lancée par les enseignants de l'université de Paris-VIII pour amener le gouvernement à retirer ses réformes, a fêté ses 1 000 heures. Lundi midi ses organisateurs devraient annoncer s'ils continuent ou s'ils privilégient d'autres modes de protestation.

Parmi les actions déjà prévues, la coordination nationale des universités a retenu le principe d'une journée de manifestations nationale le 12 ou le 15 mai 2009, une "marche des obstinés" de Chartres à Paris fin mai 2009 ou encore une "Academic pride", le 4 juin 2009.

En réaction à la circulaire qui accompagne le décret sur le statut des enseignants-chercheurs diffusée le 30 avril 2009, le SNESup-FSU, majoritaire, a reconnu par la voix de son secrétaire général, Stéphane Tassel qu'elle "apporte des réponses à des questions que l'on posait depuis longtemps, notamment sur la modulation de service". Pour autant, "notre opposition au décret demeure", a poursuivi le syndicaliste.

Catherine Rollot

Semaine du 4 au 11 mai 2009 - 14e semaine

Semaine du 4 au 11 mai 2009 - 14e semaine de grêve


Références

- L'organisation des examens universitaires tourne au casse-tête, Le Monde, 4 mai 2009

Universités : l'influence de l'extrême gauche

Universités : l'influence de l'extrême gauche, Le Figaro, 4 mai 2009
Delphine de Mallevoüe et Marie-Estelle Pech

Quelques individus souvent proches du Nouveau Parti anticapitaliste d'Olivier Besancenot, parfois issus de la mouvance autonome, sont à l'origine des blocages dans les facultés.

D'assemblée générale en assemblée générale, le mouvement qui embrase certaines universités depuis treize semaines a évolué. Centré, au départ, sur les réformes du statut des enseignants-chercheurs et la formation des professeurs, le mécontentement s'est radicalisé avec la présence de plus en plus active d'étudiants lors d'actions de blocages, notamment.

Les mots d'ordre des contestataires ciblent l'ensemble de la politique gouvernementale. Les slogans directement inspirés par l'extrême gauche sont fréquents. Au menu des AG figurent «l'échéance 2012» pour faire échec à Nicolas Sarkozy, l'abolition du capitalisme ou la «convergence des luttes» avec les sans-papiers, les hôpitaux et les postiers. La crise financière et la montée du chômage constituant, bien sûr, un terreau idéologique particulièrement favorable. Patrice Brun, président de l'université Bordeaux-III, explique que le dialogue est particulièrement difficile avec ces étudiants : «Pour eux, une année d'études perdue, ce n'est rien en comparaison de leur vie future qu'ils envisagent de façon extrêmement pessimiste.»

Dans la vingtaine d'universités aujourd'hui partiellement perturbées, ce sont à chaque fois quelques dizaines d'individus qui tentent des actions de blocage, voire de violences : ces dernières ont connu un pic en avril avec les séquestrations d'une poignée de présidents d'université. À ces étudiants souvent issus de filières de sciences humaines se mêlent parfois des personnes extérieures, qui s'efforcent de souffler sur les braises. Ainsi, à Rennes-II, les jeunes bloqueurs sont menés par une cinquantaine d'autonomes et radicaux, eux-mêmes pilotés par quelqu'un qui n'est pas étudiant, «un intellectuel spécialiste de la subversion», selon le président Marc Gontard. L'homme avait d'abord tenté de créer des troubles à Nantes, l'an dernier, contre la loi LRU, ce qui n'avait pas marché. Arrivé à Rennes-II cette rentrée, «il a voulu prendre sa revanche».

Militants d'extrême gauche, intermittents du spectacle, précaires, ces «Khmers rouges», comme les a qualifiés un jour Marc Gontard, sont souvent proches des idées du NPA, le parti d'Olivier Besancenot. À Paris-IV, c'est l'association générale des étudiants de Paris-Sorbonne (Ageps) qui mène la danse. Après avoir fait scission avec l'Unef, jugée trop modérée, ces derniers sont désormais «très proches des trotskistes», affirme Jean-Robert Pitte, ancien président de Paris-IV. Certains contestataires peuvent aussi se revendiquer du syndicat SUD ou, bien plus souvent, se proclamer totalement hors système. Ceux-ci sont nombreux à honnir tout parti politique ou syndicat et à revendiquer leur «indépendance» à l'image de ce que l'on a pu voir lors de séquestrations dans les entreprises.

Le double langage du PS

Les représentants de l'Unef, syndicat étudiant proche du Parti socialiste, sont quant à eux considérés comme des traîtres, d'autant plus qu'ils ont négocié la loi sur l'autonomie des universités, il y a deux ans. Ce syndicat ne maîtrise absolument pas les actions étudiantes même s'il ne va pas jusqu'à les condamner formellement…

Le Parti socialiste pratique aussi parfois un double langage. La «ronde infinie des obstinés», une marche permanente de protestation lancée par les enseignants de l'université Paris-VIII, le 23 mars autour de l'hôtel de ville de Paris a ainsi bénéficié dimanche de l'aide de la mairie. Cette dernière a mis à disposition une scène sur laquelle ont été organisés plusieurs concerts et chorégraphies. Bertrand Delanoë a en revanche porté plainte lundi après qu'environ 150 personnes ont brièvement occupé l'hôtel de ville vendredi soir et provoqué «quelques dégradations». Bertrand Delanoë a « condamné fermement ces comportements aussi absurdes qu'agressifs, qui, loin de toute rationalité, ont visé la maison commune des Parisiens». Selon le maire, ces manifestants appartenaient à un collectif «de mouvance autonome». Un groupe similaire a déjà occupé la Sorbonne, avant d'être délogé sans incident par la police. Un des occupants de la mairie a expliqué que ce type d'actions était destiné «à pousser les salariés et étudiants à se mobiliser jusqu'à la grève générale».

Universités : les quatre dossiers au cœur du conflit

Universités : les quatre dossiers au cœur du conflit, Le figaro, 4 mai 2009

Après treize semaines de conflit, les raisons pour lesquelles gouvernement et monde universitaire ne sont pas encore sortis de la crise sont plurielles.

• Les questions budgétaires. Les suppressions des quelques centaines de postes annoncées cette année dans les universités, alors que le gouvernement augmentait parallèlement le budget de l'enseignement supérieur, n'ont pas été comprises. L'argument du désengagement de l'État est souvent avancé même si le gouvernement a annulé les suppressions de postes prévues à l'université pour les deux ans qui viennent.

• La réforme des concours. Ce projet, remanié mais toujours en discussion, consiste à allonger d'une année la formation des futurs enseignants. Après avoir réussi le concours de fonctionnaire, ils auront directement la charge d'élèves avec une formation théorique limitée à un tiers de leur temps. Pour les contestataires, il s'agit d'une « pure logique budgétaire » car supprimer une partie de cette année permet d'économiser des postes d'enseignants.

• Le statut des enseignants-chercheurs. Ce décret a été réécrit à deux reprises. L'une des idées qui a jeté le feu aux poudres consistait à assouplir leur statut en permettant à certains de faire plus d'heures d'enseignement. Aujourd'hui encore, certains enseignants craignent de « servir de fusibles d'ajustement » en cas de pénurie budgétaire dans leur université. Très remonté sur le sujet, le syndicat majoritaire du supérieur, le Snesup, reconnaît pourtant que la récente circulaire l'accompagnant « marque un recul du gouvernement » : les changements ont été revus à la baisse, les heures complémentaires seront rémunérées… Le syndicat craint cependant toujours des « dérives de gestion locale des carrières ».

• La loi sur l'autonomie. Votée il y a presque deux ans, son abrogation est devenue un mot d'ordre important : elle présente l'avantage de fédérer les étudiants qui redoutent une mise à l'écart des universités de sciences humaines et une course à la rentabilité. Bref, un système d'enseignement supérieur « à deux vitesses » avec les grandes universités bien dotées et les autres…

Université Lyon 2 : attaque du bureau de vote

Lundi 27 Avril, la présidence de Lyon 2 avait organisé un vote pour décider de la poursuite ou de la levée du blocage. En milieu d'après-midi, un groupe de bloqueurs extrémistes a pris d'assaut le bureau de vote afin de voler les urnes. Face à la violence des bloqueurs, les agents de sécurité et les étudiants venus voter ont du se barricader.

L'université, sans fleurs ni couronnes

L'université, sans fleurs ni couronnes, Le Figaro, 4 ami 2005
L'éditorial d'Yves Thréard.

Bien malin celui qui comprend aujourd'hui les motifs précis du désordre régnant dans certaines universités. Dans une vingtaine de facs, la tenue des examens est menacée, voire reportée à la rentrée de septembre. Le parent pauvre de l'enseignement supérieur français continue de creuser sa tombe par la faute de quelques enragés. Il y a pourtant urgence à le guérir, sans quoi il finira par disparaître sans fleurs ni couronnes.

Faut-il rappeler que, dans tous les classements internationaux, la France fait bien pâle figure face à l'Asie et aux pays anglo-saxons ? Trop longtemps, l'université a été négligée : un étudiant coûte en moyenne 7 000 euros par an, contre plus de 10 000 euros pour un lycéen. C'est tout le système qu'il convient de corriger, à l'heure où un jeune sur deux seulement parvient à passer en deuxième année, et où des filières sans débouché continuent à accueillir des milliers de personnes, chômeurs en devenir. La présence de grandes écoles, réputées pour leur excellence, n'explique pas tout. La timidité ou l'incohérence des politiques menées sont à mettre en cause. Tout comme l'agitation perpétuelle entretenue par les syndicats d'enseignants et d'étudiants qui ont transformé certains établissements en bastions de la contestation gauchiste : c'est tellement vrai qu'à force de le répéter, le constat pourrait paraître caricatural.

Le gouvernement a donc eu raison de s'attaquer à cet immense chantier dès son arrivée aux affaires. La loi sur l'autonomie des universités (dite LRU), acceptée par tous, fut votée à l'été 2007. Elle prévoit notamment un renforcement des pouvoirs du président pour adapter sa fac à son environnement social et professionnel et un droit d'entrée des entreprises. Cinq milliards sur cinq ans ont été mis sur la table. Effort important. Vinrent ensuite le décret sur le statut et l'évaluation des enseignants-chercheurs et le projet de réforme de concours des professeurs. Le premier a été amendé dans le sens voulu par ses opposants, le second est encore en cours de négociation. Sans entrer dans les détails, l'idée générale est d'aller vers plus d'efficacité.

Et pourtant, la pagaille persiste ici ou là. À tel point que la loi LRU est, elle aussi, remise en question. On ne saurait trop placer tout le monde devant ses responsabilités. Les présidents d'université, d'abord en majorité favorables aux évolutions, mais qui ont, à l'image d'Axel Kahn, souvent changé de pied. Les étudiants, toujours prompts à la contestation, mais qui redoutent maintenant, avec leurs parents, une année blanche. Les enseignants- chercheurs, dont certains ont jeté leurs élèves dans la rue afin de protéger leurs propres avantages. Leurs jours de grève seront-ils payés ? Dans ce bras de fer, l'approche du gouvernement est restée pragmatique. Si idéologie il y a, elle est bien du côté des empêcheurs de tourner en rond de l'université. Le systématisme de leur opposition est mortifère.

Michel Godet : «Les enseignants se tirent une balle dans le pied»,

Michel Godet : «Les enseignants se tirent une balle dans le pied», Le Figaro, 4 mai 2009

Michel Godet, professeur d'économie et auteur du Courage du bon sens, s'avoue pessimiste sur l'avenir de l'université, dont il est pourtant issu. Pour lui, «il n'y a plus de bons étudiants à l'université» car ceux-ci préfèrent désormais les filières sélectives.

LE FIGARO - Comment jugez-vous le conflit qui oppose la ministre et les enseignants-chercheurs ?

Michel GODET - Je ne décolère pas. Avec ce mouvement qui dure, les enseignants se tirent une balle dans le pied. Ils sabordent l'université, alors qu'ils savent qu'elle va mal, notamment dans les filières de sciences humaines. Il y a une désaffection à son égard : cette année, dans leurs vœux d'orientation, il y a 25 % de lycéens de terminale en moins qui ont choisi la fac. Les bons élèves de terminale optent désormais pour des filières sélectives, ils vont en prépa ou en prépa intégrée, ils font des écoles d'ingénieurs, de commerce, ou se dirigent en IUT. Ils ne choisissent l'université qu'en dernier recours, au point qu'il n'y a plus de bons étudiants à l'université. Et, incroyable paradoxe, les meilleurs professeurs, eux, sont recrutés par de grandes écoles non pas pour enseigner, mais pour écrire dans des revues hyperspécialisées et faire progresser ces établissements dans les classements internationaux comme celui de Shanghaï. On marche sur la tête.

Faut-il pousser nos enfants à décrocher un diplôme universitaire ?

Hélas, certaines universités délivrent des assignats en guise de diplômes, car elles veulent tout simplement fidéliser leurs étudiants pour maintenir leurs effectifs, leur enseignement et surtout leur budget. Ceux qui souffrent le plus de ce grand gâchis, ce sont évidemment les étudiants des milieux populaires, qui restent bien plus nombreux à l'université que ceux des milieux aisés et n'ont pas les moyens de se payer des écoles à 7 000 euros par an. Savez-vous que les étudiants les plus favorisés sont deux fois moins nombreux en proportion dans la jeunesse, mais dix fois plus nombreux dans les filières sélectives de notre pays ? Pis encore, les entreprises mais aussi les administrations se méfient de plus en plus des frustrés et des aigris qui, après avoir accumulé les années de fac, déplorent ne pas trouver de poste à leur mesure. Un diplôme n'est pas une formation professionnelle. Il faut au plus vite créer des numerus clausus dans des filières sans débouchés, comme Staps (sports, NDLR) ou psycho. Arrêtons le gâchis et la sclérose du système.

Que va-t-il se passer pour les diplômes délivrés cette année ?

Là où c'est possible, on va faire des trucs bidon pour sauver la face, bricoler des cours de rattrapage ici ou là et puis il y aura aussi des sacrifiés. On parle souvent en ironisant des diplômes délivrés en 1968, mais, cette année-là, il y avait eu cours jusqu'en mai. C'est à la fois un drame humain et social pour notre pays, et c'est un fiasco pour l'image de la France à l'étranger. Imaginez le nombre d'étudiants étrangers qui avaient payé cher pour étudier chez nous et n'ont pas reçu le moindre cours…

Peut-on encore changer les choses ?

Il faut appliquer la loi qui a été votée. Celle sur l'autonomie des universités partait d'un bon constat. Valérie Pécresse avait fait dès le départ des concessions sur l'élection des présidents d'université. Elle a accepté de renoncer à ce que des personnes extérieures à l'université participent à l'élection du président. Aujourd'hui, la ministre joue la montre. Cependant, je reste confiant, car, même si l'on applique la loi a minima, on enclenchera l'émulation et la contagion des bonnes pratiques.

Qui dirige ce mouvement ?

Ceux qui animent le mouvement et bloquent les cours depuis des mois sont des révolutionnaires d'opérette, plutôt bien nés, des bobos de gauche et de droite. Vous savez, à l'université, les boursiers ou ceux qui travaillent pour payer leurs études, comme c'était mon cas, sont rarement ceux qu'on retrouve au premier rang des meneurs. Ils savent le prix à payer pour faire des études. Une chose est sûre, au Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) où je travaille, tous les cours sont bel et bien assurés.

lundi 4 mai 2009

Facs : 93% des étudiants pour le maintien des examens

Facs : 93% des étudiants pour le maintien des examens, Le Figaro, 4 mai 2009

Alors que le mouvement universitaire entame sa 14ème semaine de protestation, plusieurs voix s'élèvent contre les bloqueurs des facultés. L'UMP demande même que cette «minorité» soit «poursuivie» en justice.

Malgré des cours perturbés voire supprimés pendant 14 semaines, 83% des Français et 93% des étudiants se montrent favorables au maintien des examens du deuxième semestre, selon un sondage CSA* publié lundi dans «Le Parisien/Aujourd'hui en France». Alors qu'enseignants-chercheurs et étudiants réclament des modifications de la loi Pécresse, la moitié des Français (51%) jugent qu'il faut maintenir les examens dans les conditions «habituelles», et 32% qu'il faut les maintenir mais les simplifier. Ils ne sont que 11% à proposer de supprimer les examens et valider automatiquement le semestre pour tous les étudiants.

Parmi les étudiants, dont on ne connaît pas le panel au sein de l'échantillon du CSA, 52% se prononcent pour le maintien des examens simplifiés, tandis que 41% préféreraient qu'ils soient maintenus dans les conditions habituelles. Seuls 4% des étudiants veulent que leurs examens soient supprimés et que soit validé automatiquement le second semestre pour tous, comme l'a proposé la Coordination nationale des universités.

Pas de diplôme dans une pochette-surprise

Une demande d'ailleurs qualifiée lundi sur Europe 1 d' «irresponsable» et «choquante», par le président de l'université Paris-V Descartes Axel Kahn. Le généticien a par ailleurs mis en garde contre la dévaluation des diplômes en cas d'examens simplifiés. «Si jamais on arrivait à valider automatiquement les semestres, moi, de toute façon, je n'apposerais jamais, jamais, jamais ma signature à une telle mesure et je préférerais m'en aller», a ainsi déclaré M. Kahn. Il faut «des examens qui ne soient pas dévalués. Si par hasard les diplômes sont dévalués, si on dit ‘voilà, durant l'année 2008-2009, on a pu obtenir en quelque sorte son diplôme dans une pochette-surprise', vous vous rendez compte de l'avenir des étudiants?», a-t-il mis en garde. Valérie Pécresse avait déjà écarté cette idée au cours du week-end dans une interview au Journal du Dimanche, en expliquant qu'il n'était «pas question de valider automatiquement des semestres».

Le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant a pour sa part qualifié lundi de «formidable gâchis» le blocage latent des universités, du fait d'une «minorité». Dans les universités « qui sont gênées dans leur fonctionnement, c'est la loi de la minorité qui s'impose quels que soient les résultats des assemblées générales» avec «des piquets de 15 ou 20 personnes qui empêchent le fonctionnement de l'université», a-t-il expliqué sur RTL. Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale Jean-François Copé a de son côté estimé lundi sur France Inter que ce mouvement «n'est pas responsable». «On en est arrivé là parce que, malheureusement, il y a dans notre pays une culture de l'opposition systématique qui est trop forte par rapport à ce qui se passe dans les autres pays», a-t-il avancé.

Des enseignements pendant l'été ?

Le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre est allé plus loin, lundi, en demandant à ce que les auteurs des «entraves» au fonctionnement des universités soient «poursuivis» en justice. «Je souhaite que les autorités publiques réagissent si un certain nombre d'individus devaient participer à entraver les examens comme ils menacent de le faire, parce que ce n'est pas acceptable dans une démocratie», a-t-il ajouté.

L'ancien ministre socialiste de l'Education, Jack Lang, a pour sa part affirmé lundi que le gouvernement devait prendre «une mesure choc» pour débloquer la situation, avec «soit le retrait de certaines mesures, soit le changement d'équipe ministérielle». «Il y a des moments où il faut savoir arrêter certaines décisions qui créent l'inquiétude», a-t-il ainsi déclaré sur France Inter. Pour permettre aux étudiants de passer leurs examens, Jack Lang a estimé qu'»une des solutions serait de pouvoir continuer des enseignements (...) au mois de juin, voire au mois de juillet» moyennant «un financement de l'Etat». «A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle», a-t-il ainsi expliqué.